Le député (FI) François Ruffin a présenté ce lundi une proposition de loi « visant à limiter le trafic aérien substituable en train ». Elle suggère, entre autre, d'interdire les vols Paris-Bordeaux, pour privilégier le train moins polluant. Une lubie des écologistes ou un modèle économique viable ?
Par C.O
C'est une proposition de loi qui fait sourire certains, mais qui soulève pour d'autres des questions qu'ils jugent essentielles. Cette problématique prend la tournure d'un débat national mais trouve néanmoins un écho local, notamment auprès des habitants de Mérignac en Gironde qui voient de plus en plus d'avions passer au-dessus de leurs têtes.
Depuis six mois, la question revient donc, au point de se transformer en proposition de loi présentée lundi 3 juin par le député de la France Insoumise François Ruffin et co-signée par 14 autres députés notamment le Girondin Loïc Prud'homme, lui aussi de la France Insoumise.
Objectif : réduire les émissions de CO2
Il faut enrayer les émissions de CO2 et transporter sur le rail qui est 50 à 70 fois moins émetteur, explique Loïc Prud'homme.
"Plus un trajet en avion est court, plus il pèse en terme d'émission de CO2", ajoute le député girondin. C'est la raison pour laquelle la proposition de loi porte sur les vols intérieurs, dont le même trajet, en train, « garantit un déplacement d’une durée au maximum supplémentaire de 2 heures 30 minutes en comparaison au temps prévu du trajet en avion ».
L'idée, c'est de dire que 2 h 30, ce n'est pas le bout du monde, d'autant qu'on ne compte pas le temps de trajet pour se rendre à l'aéroport, le temps de se faire enregistrer, l'embarquement, etc. Donc bien souvent prendre l'avion n'est pas plus rapide, dit-il.
Uniquement la navette Paris-Bordeaux concernée ?
Cette proposition de loi se veut "souple". C'est-à-dire que pour l'aéroport de Mérignac par exemple, il ne s'agirait pas de supprimer tous les vols intérieurs. Les trajets qui seront beaucoup plus courts en avion ne sont donc pas concernés. Par exemple, les vols reliant la capitale girondine à Lille, Lyon, Strasbourg ou Montpellier ne sont donc pas visés.
Quid des aéroports d'Agen, Bergerac, Biarritz et Pau ?
Interrogé sur le sujet, Loïc Prud'homme réfléchit au cas par cas presque une calculatrice à la main pour étudier chaque ligne. La base de réflexion reste la même, mettre en opposition temps de trajet en avion ou en train et faire le calcul du temps de déplacement. Ainsi, selon lui, la ligne Agen-Paris n'aurait pas de raison d'être, d'autant que sa survie est régulièrement remise en cause. Pour Bergerac-Paris, "il faut voir et calculer". En revanche pour les aéroports de Pau et Biarritz, on ne touche à rien. L'avion reste plus rapide.
Pour autant, le député girondin, pose la question clairement de la compétitivité du train. La LGV a coûté "très cher", il faut la rentabiliser. Quant aux autres lignes ferroviaires, il pose la question clairement :
Comment on fait pour améliorer les dessertes ferroviaires existantes, pour arriver à faire progresser ce modèle économique ?
Trains (trop chers?) face aux vols internes (low-cost)
Certains vols internes coûtent moins cher que de prendre le train. Face à ce constat, que faire ? Pour le député le problème vient de la taxation du kérosène ou plutôt sa non-taxation. Résultat selon lui : il y a une "distorsion de la concurrence" à l'avantage des compagnies aériennes.
Commençons par faire payer la taxe kérosène aux compagnies aériennes, ça changera la donne !
Pour autant, cela ne rendra pas les trains moins chers. À cela, Loïc Prud'homme prévoit que les lignes SCNF rentables, telle la liaison Paris-Bordeaux, voient leurs prix baisser par le jeu de la péréquation.
Si la liaison aérienne entre Paris et Bordeaux voit son trafic baisser, les chiffres concernent le trafic global. A Mérignac, le nombre de passagers a doublé en 10 ans. Et ce sont les vols low-cost vers l'étranger qui sont à l'origine de cette hausse de la fréquentation. Le trafic international représente plus de la moitié de l'activité avec 3,8 millions de passagers en 2018, en hausse de 21%.
Une évolution dénoncée depuis plusieurs années par Gérard Chausset, ex-EELV aujourd'hui élu LaREM sur la commune de Mérignac. "Depuis plusieurs années, on avait oublié cet aéroport de Mérignac, et pendant ce temps, il s'est développé à notre inssu mais on a notre part de responsabilité" explique-t-til.
On croyait que la LGV allait avoir un effet sur le développement de l'aéroport. Mais ça ne s'est pas passé comme ça. Ce qui promeut le développement de l'aviation civile c'est le low-cost, dénonce Gérard Chausset.
Et c'est là que les deux élus se rejoignent. Pour Loïc Prud'homme, il faut faire l'éloge du local pour évoquer la sobriété, n'y a-t-il pas de belles plages dans le Sud Ouest ?" Gérard Chausset est sur la même ligne de conduite :
Faut-il aller depuis Bordeaux à Bologne, Zagreb, Alicante pour 17 euros ? C'est ça la vraie question !
Faux problème pour les deux élus pour qui il faut repenser l'emploi de manière plus globale. "Si l'activité des transports se fait autrement, les emplois se feront autrement aussi" explique Gerard Chausset qui pointe au passage les conditions de travail dénoncées par certains salariés de compagnies aériennes telles que RyanAir qui a d'ailleurs ouvert une base aérienne à Bordeaux en avril dernier
"Il faut avoir une vision sur le long terme" dit Loïc Prud'homme. "Du boulot à la SNCF, il y en aurait pour tout le monde si on mettait les enjeux climatiques au coeur de la réflexion sur l'emploi".
Une réflexion en cours à la Métropole
Quand en avril, j'ai levé le dossier, j'ai été surpris de voir que mes collègues élus étaient plutôt contents que le débat soit mis sur la table, annonce Gérard Chausset.
La question du trafic aérien s'invite donc dans le débat local. Pascal Personne, le directeur de l'aéroport de Bordeaux-Mérignac a donc été invité par Patrick Bobet, président de la Métropole à venir participer à la commission transport et développement économique. "On doit avoir ce débat en France, mais aussi localement " explique Gérard Chausset.
Pascal Personne a répondu favorablement à l'invitation de la Métropole. La date de cette commission n'est pas encore connue. "Les agendas sont ouverts" nous dit-on.
Afin de lutter contre le changement climatique, le député a présenté ce lundi une proposition de loi « visant à limiter le trafic aérien substituable en train ». Co-signée par 14 députés majoritairement France insoumise, dont le bordelais Loïc Prud’homme, mais aussi socialistes ou République en Marche, elle suggère d’interdire 72 lignes, dont la navette Paris-Bordeaux.
« Je veux que mes enfants puissent voir les hirondelles » assène sur un ton catastrophiste François Ruffin, député dans le groupe parlementaire de la France Insoumise, lors d’une rencontre avec la presse ce lundi. Il a aussitôt été suivi par plusieurs députés.
« Il est grand temps d’atterrir », estiment 15 parlementaires. Menés par le réalisateur de « Merci Patron », ils ont présenté ce lundi une proposition de loi visant à limiter le trafic aérien substituable par des trains :
« Pour s’aligner sur une trajectoire compatible avec les 1,5°C en France, les émissions de CO2 doivent baisser d’au moins 55 % d’ici 2030. Ces objectifs sont incompatibles avec la croissance du transport aérien, ni même avec son maintien. Ce n’est pas qu’une affaire de comportements individuels : la volonté politique doit suivre. La liberté de voyager n’est pas la liberté de polluer. Il faut une décroissance mondiale des vols. »
Pour commencer, les signataires de ce texte veulent interdire les vols intérieurs, si le même trajet, en train, « garantit un déplacement d’une durée au maximum supplémentaire de 2 heures 30 minutes en comparaison au temps prévu du trajet en avion ».
En effet, un passager effectuant le trajet Bordeaux-Paris en avion émet 85 kilos de gaz à effet de serre par habitant, soit 60 fois plus que la même distance en train (1,384 kilo de CO2 par passager). Or le trafic aérien ne cesse de progresser : il a gagné 4% en France en 2018, et même 9,3% à l’aéroport de Bordeaux-Mérignac, où le nombre de passagers a doublé en 10 ans.
TGV versus avion
Sont notamment visés les 16 trajets aériens entre Bordeaux et Paris. Ces vols d’une durée d’1h10 seraient selon eux aisément remplaçables par 29 trains, dont le voyage dure 2h04.
Car la simple création de la ligne à grande vitesse n’a pas suffi à détourner massivement les passagers de l’avion vers le TGV, déplorait récemment en conseil de métropole l’élu écologiste Pierre Hurmic :
« Le dernier bilan de l’aéroport montrait une diminution de 17% du trafic de la navette Paris-Bordeaux (assurée par Air France, NDLR). C’est peanuts, quand on pense qu’une des raisons ayant motivé l’investissement de 9 milliards d’euros dans la LGV, c’était de diminuer le trafic aérien ! Aujourd’hui, 83% des usagers continuent à utiliser l’avion. »
La navette d’Air France entre Bordeaux et Paris (Dylan Agbagni/flickr/CC)
L’initiative de 14 députés insoumis (dont le girondin Loïc Prud’homme), socialistes, écologistes (dont Delphine Batho, ex ministre de l’écologie) mais aussi LREM (Sébastien Nadot) est en tous cas une première en France. Elle s’inspire de la démarche initié aux Pays-Bas, où les partis au pouvoir envisagent de supprimer la ligne Amsterdam-Bruxelles.
Mais le ministre de l’écologie du gouvernement Philippe, François de Rugy, est loin d’être enthousiasmé par la démarche. Celle-ci permettra de tester le plan de vol écolo de la majorité.
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