Soumis par admin le
Contribution au Grand Débat National
Vous trouverez ci-dessous ma contribution au Grand Débat National. (la synthèse en pièce jointe)
L’urgence est écologique
Comme d'autres écologistes, je constate depuis plusieurs mois un lent décrochage de la politique de transition écologique, une forme de normalisation à contre courant des engagements de la COP 21 notamment et de l'espérance née suite aux déclarations du début de mandat. J’avais mis beaucoup d’espoir dans l’entrée de Nicolas Hulot au gouvernement, c’était une chance de sortir l'écologie de sa culture minoritaire et de parler à tous les français. Si son départ a signifié une fois de plus l’échec du mariage entre l’écologie et la culture de gouvernement, il a agit également comme un détonateur mettant en exergue la faiblesse de l’écologie politique française.
Grignotée de toutes parts, l'écologie politique n'a pas su se rendre indispensable. Son poids politique est inversement proportionnel à la prise de conscience générale, ce qui est un paradoxe.
Il faut réconcilier la politique et l’écologie sur la base du « nouveau monde » incarner par une politique économique ouverte à la transition écologique et rompre ainsi avec les vieilles pratiques et les lobbys que sont ceux du nucléaire, de l’agrochimie, de la chasse ou de l’agriculture conventionnelle. L’arrêt de l’aéroport de Notre Dame des Landes ne peut suffire, l’ensemble de la politique écologique n’est pas à la hauteur, même si tout n’est pas à jeter bien sûr.
Pour prendre l'exemple de l'agriculture, il est possible de proposer à la société française un « new deal » pour sortir du productivisme agricole avec un projet d'agriculture durable, sans pesticides assortis d'engagements forts du « champ à l'assiette ». Malgré des déclarations encourageantes, il n’ y a pas encore vraiment de volonté de rupture avec un modèle à bout de souffle aussi bien au niveau social, économique qu’environnemental.
Il en est de même pour l'énergie, les engagements pour descendre à 50% la part du nucléaire dans la production d'électricité sont étirés et flous. Le nucléaire se trouve même auréolé du qualificatif de filière d'avenir alors que là aussi le modèle est à bout de souffle.
Les engagements sur le développement des ENR pâtissent de ces atermoiements alors que notre pays à tous les atouts pour développer le solaire, l’éolien, la biomasse et l’hydraulique. Nous avons le potentiel pour développer de vraies filières industrielles avec de nombreux emplois à la clé.
Une nouvelle chance
La crise que nous vivons actuellement a été générée par une mauvaise appréciation de la mise en œuvre de la politique de transition écologique. Ce fait politique s’est ajouté à un « ras le bol » d’une partie de la population, notamment la plus modeste qui a pris de plein fouet certaines décisions gouvernementales qui sont apparues comme injustes et injustifiées au regard de son quotidien. Je ne vais pas réécrire les différentes mesures (hausse du carburant, 80 km, CSG, etc) qui ont déjà été évoquées à multiples reprises. La fiscalité écologique instrument emblématique avec l'alignement du diesel et de l'essence n'a pas survécu aux « gilets jaunes ».
Pour autant la dégradation du climat et de la situation sociale n’est ni soudaine ni récente. Cette crise vient de loin, elle est imputable à une montée des inégalités de plus en plus flagrante. Mais sa gestion, une fois de plus, laisse le sentiment que la transition écologique sert de variable d’ajustement et risque de « passer à la trappe ». Si des mesures sociales et économiques sont nécessaires il n’en reste pas moins que l’urgence est aussi écologique.
Le Grand Débat offre une nouvelle chance pour proposer une nouvelle organisation sociale qui s’inscrit dans le temps long. C’est pourquoi je participe à mon niveau à ce Grand Débat National et apporte ma contribution avec 4 propositions. Il ne s’agit pas de revenir sur des décisions déjà prises ou en cours ou d’avoir la prétention d’aborder tous les sujets. Ces propositions ont pu bien sûr être faites par d’autres, mais elles correspondent à mon expérience d’élu, de militant et de citoyen qui essaie de mettre en œuvre cette transition écologique au quotidien. Elles portent principalement sur la transition écologie et s’articulent autour des 4 thèmes du Grand Débat.
Ma contribution en 4 points
Organisation de l’Etat et des services publics
1- Une méthode : une période de transition de 3 ans avec un moratoire contre la fermeture des services publics .
Pour que le terme « transition écologique » ait un véritable sens, il est nécessaire que la transition soit décidée mais également qu’elle soit progressive et inclusive. La mobilisation citoyenne sur le sujet montre qu’une grande partie de la population est prête à relever les défis, à condition que le rythme des réformes soit adapté aux contraintes de chacun. La crise a montré un mal vivre et un sentiment de relégation d’une partie des habitants suivant le lieu où ils vivent. Les services publics de proximité sont un patrimoine national utile. Ces services publics aussi divers qu’ils soient compensent par le service qu’ils apportent des effets de distance, d’isolement sur des territoires en difficulté.
Je propose donc une période de transition de 3 ans, pendant laquelle des mesures expérimentales et/ou des moratoires, des compensations, des exceptions seront élaborées afin que la transition n’exclue personne mais qu’elle accompagne et concerne chacun de nous vers une société de la transition écologique. Je propose que le gouvernement, les agences de l’Etat ou les Etablissements publics suspendent toute fermeture des services publics, bureau de poste, service des impôts, maternité, hôpital, école, gare et ligne de chemin de fer pendant trois ans. Cette période devant être l’occasion de repenser collectivement le service public, ses besoins, son évolution et son adaptation aux besoins nouveaux comme le numérique, la transition écologique mais également le vieillissement de la population.
Fiscalité et dépenses publiques
2- De l’empathie : un accompagnement social et économique
Pour que la "transition écologique" soit acceptée et efficace il est primordial qu’elle soit accompagnée socialement et économiquement. C’est le cas pour la fiscalité écologique comme la taxe carbone qui est absolument nécessaire pour réorienter les comportements et les politiques publiques nationales ou locales, mais elle doit être compensée pendant une période de transition pour les personnes ayant des bas revenus et les bénéficiaires des minima sociaux ou bien encore les habitants des territoires qui ne bénéficient pas des services alternatifs de transition comme ceux de la mobilité par exemple (auto partage, transport collectif etc).
Cet accompagnement peut prendre plusieurs formes, exonération ou déduction fiscale, prime, TVA réduite ou autres formules comme le crédit d’impôt, une tranche d’imposition supplémentaire pour les hauts revenus affectés, une réorientation du CICE. Les recettes fiscales liées à la transition écologique, comme la taxe carbone doivent être affectées à la mise en œuvre de la transition et de solutions nouvelles. Pour assurer la cohérence de l’ensemble de la fiscalité il est primordial que tous les usages du transport par exemple soient taxés comme le transport aérien.
Transition écologique et fiscalité
3- Prioriser : baisser la TVA à 5 % pour les filières biologiques et durables
Pendant la période de transition de 3 ans les produits alimentaires biologiques certifiés bénéficieraient d’une TVA minorée à 5 % comme produit de première nécessité ; ceci afin de permettre un élargissement de l’offre à tous les publics et développer plus rapidement la filière. Le circuit court est utile à l’économie locale en achetant des produits bio de saison et en limitant les transports.
Je propose également que la grande distribution se voit imposer un % de produits alimentaires locaux de saison et l’obligation pour les entreprises publiques d’aller progressivement vers un approvisionnement en produits locaux biologiques.
Je propose aussi une baisse de la TVA des transports publics à 5 % également pour l’achat des vélos. Je suggère également que 6 mois du premier abonnement en transport collectif pour un salarié qui n’utilise plus sa voiture sur le trajet domicile travail soient déduits du revenu fiscal ou transformé en crédit d’impôt.
Démocratie et citoyenneté
4- Susciter l’engouement : un budget participatif national citoyen
La transition écologique doit être populaire et crédible. Elle doit susciter un engouement à la hauteur des enjeux. Je propose un budget participatif national citoyen pour favoriser cet engouement national. Un appel à projet national mais décentralisé, doté d’un fond d’un milliard d’euros sur 3 ans qui financera des projets citoyens, associatifs mais également des entreprises ou des créations d’entreprises en faveur de la transition écologique. L’agriculture biologique, la réduction des déchets, le zéro déchet, les économies d’énergie et l’isolation, la production coopérative d’électricité, le réemploi, la mobilité ou la biodiversité. L’ADEME pourrait en assurer l’expertise technique et la faisabilité. Les choix seront faits in fine par un comité participatif citoyen départemental et intercommunal, incluant des associations, des citoyens tirés au sort, des experts locaux ainsi que des élus. L’enjeu est que la transition écologique ne soit pas réservée à ceux qui ont les moyens ou le capital social et culturel pour y accéder mais qu’elle soit accessible à tous. Pour cela, la transition écologique doit se traduire dans les faits par une dynamique territoriale et économique. On peut viser 20 mille projets sur 3 ans sur le territoire français.
La société que nous avons fabriquée s'est appuyée trop longtemps et essentiellement sur la consommation sans réflexion, le gaspillage d'une énergie bon marché et l'artificialisation de l'espace au détriment de la biodiversité. Nous sommes tous devenus aujourd’hui des pollueurs, conscients ou non. Notre système social de lutte contre les inégalités par la redistribution et la répartition ne répond plus totalement aux besoins nouveaux d'une société de transition écologique mais également d’une société ou le vieillissement de la population aura des impacts évidents. Le danger climatique qui arrive n’est pas qu’une affaire de classe sociale, de riches, de pauvres, même si les plus fragiles seront les moins épargnés, mais d’abord une affaire qui concerne notre capacité à vivre dignement en intégrant de nouveaux paramètres économiques et sociaux imposés par les effets du changement climatique. Chacun doit faire évoluer ses comportements, tout le monde est concerné, c'est cela qu'il faut accompagner.
La société que nous devons inventer ne se contentera pas d'aménager la sociale démocratie dans laquelle nous sommes, mais devra trouver de nouveaux modes de partage des richesses et des contraintes. C’est le sens de ma contribution.
Gérard CHAUSSET
Adjoint au Maire de Mérignac
Président de la Commission Transport de Bordeaux Métropole.
Ajouter un commentaire