Back to top

Que faire de la maison Carrée d’Arlac ?

Accueil » Que faire de la maison Carrée d’Arlac ?

Mérignac, le 20 août 2007

Monsieur Michel SAINTE-MARIE
Député - Maire de Mérignac

Objet : Maison Carrée d’Arlac


Monsieur le Maire,

Depuis bientôt vingt ans, cet édifice emblématique du patrimoine mérignacais est dans l’attente d’une destination.

Plusieurs projets ont été avancés au cours de ces dernières années, mais aucun n’a encore pu aboutir, ceci pour des raisons diverses. Les difficultés du dossier ne sont pas minces en effet.

Il est à mon sens difficile de faire coïncider ou d’importer une idée ou un projet existant avec l’édifice actuel. Le classement de ce bâtiment aux « Bâtiments de France » impose des contraintes d’aménagement, et le caractère atypique de l’édifice ainsi que son état intérieur
découragent les meilleures volontés et les porteurs de projets éventuels.

A moins d’hériter d’un mécène improbable, la situation de la maison Carrée est pour l’heure en panne de projet. Afin de débloquer le dossier, je suggère donc que la ville reprenne l’initiative.

Après consultation, la ville pourrait confier une mission à un cabinet d’architecture pour étudier le potentiel d’aménagement de cet édifice et les enveloppes financières nécessaires, notamment les éventuels subventions et partenariats.

On peut imaginer en effet plusieurs vocations possibles à ce bâtiment, mais leur faisabilité reste à approfondir et à confirmer :

  •   un équipement à vocation sociale ?
  •   une maison de retraite ?
  •   une galerie d’Art ?
  •   un hôtel ?
  •   un foyer d’hébergement ?
  •   une auberge de jeunesse ?
  •   des bureaux ?
  •   une salle de spectacle ?
  •   un auditorium ?
  •   un cinéma d’art et d’essai ?
  •   un équipement orienté vers les médias ou les nouvelles technologies ?
  •   une maison régionale de l’environnement ou du développement durable ?

    Quelle que soit la vocation publique décidée pour la Maison Carrée, des aménagements seront incontournables : escalier et ascenseurs, locaux collectifs, accessibilité pour les personnes handicapées, chauffage, électricité, raccordements divers, menuiseries extérieures, isolation. Ces premiers aménagements, une fois chiffrés, donneront une idée de l’enveloppe nécessaire à l’ensemble du projet.

    La proximité du tramway offre à ce lieu une nouvelle opportunité qu’il
    convient d’intégrer. Une telle étude pourrait chiffrer 3 ou 4 projets possibles et faire des propositions d’aménagements. A partir de ce socle d’étude, la ville pourrait alors prendre une
    décision et rechercher d’éventuels partenaires ou approfondir tel ou tel projet. Cette première décision pourrait être inscrite au budget 2008.

    Je me tiens à votre disposition pour échanger sur le sujet et vous prie de croire, Monsieur le Maire, à l’assurance de mes sentiments les meilleurs.

    Gérard CHAUSSET
    Adjoint au Maire de Mérignac

    I. HISTOIRE DU LIEU

    L’aménagement des jardins de la Maison Carrée d’Arlac, classée Monument Historique, s’inscrit de fait dans une démarche qui vise à déterminer s’il existe ou non des traces historiques pouvant dicter un parti de restauration.

    Aujourd’hui, le vivier a disparu, tout comme le paysage agreste des prairies et de la garenne. Aussi, pour tenter d’apporter des éléments de réponse il a été intéressant de s’appuyer sur les documents cartographiques existants, consultés aux Archives Municipales

    a. LES DOCUMENTS CARTOGRAPHIQUES EXISTANTS

    Faute de documents écrits décrivant les jardins de la Maison Carrée d’Arlac et leur évolution comme l’a confirmé le Documentaliste des Archives Départementales, une étude des documents cartographi¬ques permet de mesurer l’envergure de ce domaine et ses récentes transformations.

    Parmi les documents cartographiques notamment issus du Service National du Cadastre, seuls ont été retenus ceux qui peuvent nous aider à reconstituer l’évolution des jardins.

  •  Le premier datant de 1811 – Cadastre Napoléonien fait apparaître l’ensemble des parties construi¬tes soit la maison, ses deux pavillons et le bassin rectangulaire et ses deux îles sur une propriété d’environ 13 ha, sans aucune précision sur le jardin.
  •  1843, 2e série cadastrale, présence d’un por¬tail monumental en demi-cercle avec création d’un bâtiment pouvant servir de conciergerie et un autre plus au sud.

    Cette deuxième série cadastrale est intéressante par le fait que subsiste la matrice correspondante faisant état de l’occupation des sols telle qu’elle était déclarée pour l’imposition.
    Une carte a pu être dressée sur la base des indications de ce registre et du plan cadastral (ci joint carte). Elle met en évidence les faits suivants :

    • La majeure partie des 13 ha était en prés ou pâture, notamment les terrasses au sud de la maison, jusqu’au ruisseau les Ontines – L’actuel square de Peychotte est situé sur un de ces prés.
    • Quatre parcelles dont le couvert est dit en « terre » sont supposées avoir porté des cultures agricoles dont la nature n’est pas précisée.
    • En fond de perspective, à droite sur la carte, apparaît un ensemble boisé assez important. Cet ensemble est actuellement bâti en maisons individuelles.
    A proximité de la maison, à droite sur la carte, se présentent des parcelles constituées d’un verger, tout proche de la maison, de mûriers plantés par Elie GENTRAC, et d’une vigne de taille relativement importante. Ces parcelles ont été récemment bâties en résidences collectives.

    Les abords très immédiats de la maison sont décrits en tant que « jardins » pour la partie sud jusqu’au pied de l’escalier et « sol » pour la partie nord avec référence aux deux bâtiment ruraux existant à ce moment-là, rue de la Fontaine d’Arlac.
    Le vivier avec ses deux îles de forme rectangulaire dont l’occupation du sol est indiquée en « prés » et « terre ». Ce vivier devait se situer juste à droite (sur la carte) de l’actuel square de Peychotte, à l’emplacement actuel de résidences d’habitation collective.

    Les débuts de l’aéro-topographie sont ici précieux pour mieux connaître le couvert végétal et rechercher l’existence de jardins ordonnancés. La première carte réalisée à partir de photographies aériennes date de 1937 (cf extrait de carte).

    Elle fait apparaître :

    • A l’avant de la maison, un imposant parterre fleuri de forme ronde ponctué de pyramides de conifères taillés entourant vraisemblablement le bassin autour duquel les voitures pouvaient tourner et des masses arborées composées des actuels platanes qui se prolongent à l’arrière ; cette cour s’apparente modestement à une « cour d’honneur », lieu de réception.

    • A l’arrière de la maison, une terrasse traitée avec de la grave exclusivement, suit la courbe de niveau et se prolonge sur deux mètres de dénivelé par une allée en grave qui s’arrête de manière nette.

    Plus bas, le ruisseau des Ontines se distingue par son linéaire boisé et une masse arborée rectangulaire qui souligne l’emplacement du vivier (présent depuis le XVI ème siècle, le plan terrier de la Jurade,) se développe jusqu’au chemin d’Arlac.

    Depuis la cour à l’avant de la maison, une allée, parralèle à l’avenue des Eyquems, rejoint une entrée qui pourrait être de service, sur cette même avenue ; une autre allée longe les masses boisées et rejoint quasiment de manière rectiligne une entrée donnant sur le chemin d’Arlac.

    Les terrains restants de la propriété semblent être dévolus à la prairie et à la vigne pour les terrains les mieux exposés.

    Le plan cadastral de 1965 fait bien apparaître la localisation et la taille du vivier rectangulaire et de ses îles. Les alignements de platanes apparaissent. De nouvelles constructions longent la rue de la Fontaine d’Arlac.

    Plus récemment, les nouvelles constructions ont quasi-complètement comblé les espaces agricoles. Un cours de tennis a été crée en contrebas de la maison dont il ne reste aujourd’hui que le revêtement au sol (plan ci-joint).


    b. LES TRACES REPERABLES ACTUELLEMENT SUR LE SITE


    La « Maison Carrée d’Arlac »

    Ce nom a été donné par les habitants du quartier séduits par l’harmonie de ses proportions et l’élégance de son style. Il s’agit en fait de la maison de maître d’un domaine dit « Château de Peychotte » du nom francisé de son propriétaire Samuel Carlos Peixotto de Beaulieu (1741-1805) qui possé¬dait déjà, par héritage, une belle villa appelée « Château de Peychotte » et qui abrite, actuellement, l’Hôtel de Ville de la Commune de Talence (Gironde).

    Ce dernier détruisit l’ancienne demeure pour y faire construire dans les années 1780 une maison de plan rectangulaire, orienté Nord-Sud. Cet imposant bloc de trois niveaux présente une façade Nord totalement plate et dépourvue d’ornements sculptés et une façade Sud ostentatoire avec un avant-corps semi-circulaire doublé par un portique de huit colonnes immenses dressées au-dessus d’un perron monumental.

    L’article de Robert Coustet dans les Maisons de campagne du Bordelais (1994) sur la paternité de cet édi¬fice est, ici, intéressant car il retrace tous les tâtonnements de la recherche historique sur un monument qui apparaît aujourd’hui comme incontournable.

    En effet, cet édifice fut, d’abord, attribué à Victor Louis comme habituellement en Bordelais quand il s’agit de magnifiques constructions de la fin du XVIII ème siècle puis à Dufart tant le raffinement austère de la Maison Carrée d’Arlac s’apparente à celle de la maison Fenwick. Mais deux annonces du Journal de Guienne font apparaître des liens étroits entre Peixotto et Aléxis-Honoré Roché à qui l’on doit des ouvrages militaires réalisés dans le cadre de ses activités d’officier du Génie et d’architecte départemental (plan ci-joint). Enfin, un dessin de l’escalier nord de sa main permet de lui accorder sans trop de risque d’erreur la paternité.

    Par sa qualité et son originalité, une volumétrie brutale assortie d’une restriction ornementale ca¬ractéristique du style antiquisant sévère des années révolutionnaires, la Maison Carrée d’Arlac s’inscrit dans une nouvelle génération de « château » bordelais celle des petites maisons isolées au plan massé et au volume presque cubique.

    Si le nom « Peychotte » est encore associé à la Maison Carrée d’Arlac, il y eut un grand nombre de propriétaires qui s’y sont succédés comme le retrace l’Article d’E. Perreau, la Maison Carrée d’Arlac et ses propriétaires dans le Bulletin de la Société d’Archéologie de Bordeaux.


    Chronologie des propriétaires

    1720-1968 • Acquisition par François Mendès
    1768-1810
    • Vente du domaine à Rica Peixotto et à son neveu Samuel
    • Edification de la Maison Carrée (1788-1790)
    1810-1811 • Achat aux enchères par les frères Rodrigues-Henriquez
    1811-1827 • Acquisition par Jean Burgade, Commissionnaire en roulage
    1827-1891 • Acquisition par Elie Gintrac, Médecin (1791-1871).
    • Son fils Henri, lui succède mais décède en 1878 sans enfant. Les légataires sont
    M. Bierre-Monplaisir, époux de la nièce de Mme Elie Gintrac

    1891-1907 • Vente aux enchères et achat par M. Paul Sazerac, Ingénieur des Arts et
    • Manufactures. Il décède en 1898. Ses deux enfants restèrent propriétaires du bien.
    1907-1962 • Achat par Emile Goudal, négociant en tissus et fournitures d’ameublement.
    • Pendant la guerre de 1914-1918, aménagement du RDC en hôpital auxiliaire.
    • Décès de M. Goudal en 1941.
    • Durant la seconde Guerre Mondiale, la Maison est occupée par les Allemands.
    • Les héritières Goudal y demeureront jusqu’en 1962.
    1962 • Vente du bien à une Société immobilière
    1992 • Achat de la Maison Carrée et de l’hectare attenant par la Ville de Mérignac.

    Parmi les plus célèbres d’entre eux, citons le Docteur Elie Gintrac qui apporta une contribution importante à l’évolution de la médecine.
    Il acheta le domaine en 1827. Il y élevait des vers à soie dans les caves de la maison, sous le grand escalier et pour les nourrir, il avait fait planter des mûriers en bordure de l’avenue des Eyquems.
    Il y avait aussi, dans un coin du parc, une réserve de serpents dont il étudiait le venin. Les peintu¬res en frise qui ornent la fausse voûte du salon, témoignent de son passage. Elles célèbrent la gloire du Docteur Elie Gintrac au travers de son cursus professionnel.

    Cette demeure privée s’inscrit également dans l’histoire contemporaine de Mérignac. En effet, elle fut convertie en hôpital militaire durant la première Guerre Mondiale. Durant la seconde Guerre Mondiale, elle fut occupée par les Allemands.

    Ainsi les vocations de la Maison Carrée n’ont cessé d’évoluer d’une « garçonnière » avec Peixotto en passant par un lieu d’expérimentation pour Elie Gintrac à enfin une très modeste demeure pour les héritières Goudal entourée de terres agricoles (vigne et pâturage).

  • Partager