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Communiqué de Presse des élus EELV de la Cub - 9 septembre 2014 et revue de Presse
Notre article précédent : surveillance pour les drones
Salon UAV Show 2014 - les écologistes de la Communauté urbaine demandent à Alain Juppé d'associer les publics de l'agglomération aux choix économiques et techniques et de missionner un groupe de spécialistes des relations entre science et société sur le développement de la filière drone sur notre territoire.
A l'occasion de l'ouverture du salon UAV show, les écologistes de la Communauté urbaine de Bordeaux tiennent à rappeler leur position sur la filière drone et le soutien des collectivités locales à ce salon.
La concomitance avec le salon ADS (Maintien en Condition Opérationnelle des matériels aéronautiques de défense) et l'organisation même du salon UAV - drones (cf. plan de la salle : http://www.tc-gestion.com/fichier_bdd/1409236541.pdf) témoignent de la porosité totale entre l'industrie militaire et les applications civiles de ce secteur et lèvent toute ambiguïté sur l'imbrication des deux filières .
EELV rappelle que pour l'heure les usages militaires des drones concernent notamment des assassinats ciblés, en dehors de toute convention internationale, et contribuent à une généralisation des terrains d'intervention militaire, facilitant ainsi des modes opératoires bafouant les droits de l'homme.
Certes, sur le plan civil, les drones présentent des applications non dénuées d'intérêt, telle que la prévention des feux de forêt ou la protection du littoral par exemple.
Toutefois, cette nouvelle technologie, prometteuse s'il en est, se développe très rapidement dans un cadre réglementaire encore flou et en l'absence de toute réflexion sur les implications sociétales d'une telle technologie. Un lobbying économique fort se met en place en faveur du développement de cette filière et de l'assouplissement de la réglementation aérienne. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les sociétés Amazon et Google testent actuellement des projets de livraisons par drones en Inde et en Australie, pays aux réglementation moins strictes en la matière.
Les écologistes rappellent que le développement des drones dans le vide juridique existant pose pourtant de véritables questions en termes de libertés publiques et de respect de la vie privée. Comme tout progrès technologique, il nous interroge sur la société que nous voulons : une société où chacun serait susceptible d'être surveillé à son insu par des micro-drones, où chacun pourrait louer les services d'un drone en quelques clics sur son smartphone pour surveiller nos enfants, nos conjoints, nos amis, puis relier ces informations aux réseaux sociaux ?
Loin d'une opposition de principe à la filière drone, les écologistes regrettent que cette 3ème édition du salon UAV Show n'intègre toujours pas de réflexion sur les implications sociétales des drones dans son programme.
Au regard des subventions importantes accordées par les collectivités locales au salon UAV Show, les écologistes considèrent que ce faisant, elles ne jouent pas leur rôle qui serait d'initier un débat public sur ces questions liées aux libertés publiques.
Il est pourtant impératif de créer un cadre de régulation adapté permettant à la fois de tracer des lignes rouges et d'offrir un espace de liberté aux innovations. Le sujet étant au carrefour de l'éthique, du droit, de l'économie, du social, etc., la réflexion doit être pluridisciplinaire et impliquer l'ensemble des acteurs concernés parmi lesquels les industriels du secteur, les autorités en charge de la réglementation aérienne, la société civile et les collectivités publiques.
C'est pourquoi les écologistes demandent à Alain Juppé, président de la Communauté urbaine de Bordeaux, que la Communauté urbaine missionne un groupe de spécialistes des relations entre science et société, chercheurs académiques et associatifs, à l'instar de Grenoble Métropole en 2005 sur les nanotechnologies, pour réaliser un diagnostic sur l'état des projets de développement des drones et sur les débats publics dont ils font l'objet et faire des recommandations sur les façons d'associer les publics bordelais aux choix scientifiques et techniques. Une telle initiative permettrait de poser la question des choix économiques et scientifiques à l'échelle locale et d'ancrer durablement dans l'agglomération bordelaise les processus de démocratie locale amorcés lors du mandat précédent.
Gérard Chausset Clément Rossignol Puech
Président du groupe EELV de la Cub Conseiller communautaire
Groupe local de Mérignac Chercheur en nanotechnologies
06 62 48 74 92 06 22 02 02 32
Réflexion pur aller plus loin
Grégoire Chamayou, philosophe chercheur au CNRS, a écrit un ouvrage intitulé « Théorie du drone ». Il se penche surtout sur les enjeux éthiques et philosophies des drones militaires.
Avec le drone armé, entre la gâchette sur laquelle on a le doigt et le canon d'où va sortir le projectile, ce sont des milliers de kilomètres qui s'intercalent. Cette mise à distance fait éclater la notion même de guerre : qu'est-ce qu'un combattant sans combat ? où est le champ de bataille ? et peut-on vraiment parler de guerre quand le risque n'est pas réciproque, quand des groupes humains entiers sont réduits à l'état de cibles potentielles – en attendant de devenir légitimes ?
Dans la guerre à distance, peu importe que ce soient des machines qui tuent des êtres humains : l'essentiel est qu'elles les tuent humainement. Ce livre montre la gravité des questions éthiques, psychologiques, juridiques, que pose cette nouvelle merveille de la technologie militaire.
Caractéristiques de l’usage des drones militaires par rapport à un autre acte de guerre : avec le drone on passe d’une logique de sacrifice à une logique du jeu, de l’engagement intégral au désengagement total, de la singularité d’un acte vivant à la reproductibilité indéfinie d’un geste mécanique
Article de Rue 89 Drones civils : un mirage ou le décollage ?
Salon incontournable dans l’univers du drone, l’UAV Show se déroule du 9 au 11 septembre à Mérignac. La filière des drones civils est très dynamique en Aquitaine, où se trouve le seul centre d’essai français et plusieurs PME de pointe. Mais le marché tarde à véritablement décoller, et des doutes s’élèvent.
Catapulté, le DVF 2000 VT prend vite de l’altitude et disparaît vite du champ de vision de l’équipe de Survey Copter. Tandis que l’un des salariés de cette filiale d’EADS dirige le vol du drone au dessus du camp de Souge, un autre manipule la caméra embarquée à l’aide d’un joystick. Sur plusieurs écrans du QG de contrôle, apparaissent la circulation sur les routes environnantes, et des pins à perte de vue. Après quelques minutes de vol, l’engin revient se poser sans encombres.
Mais sa motorisation électrique lui permettrait de planer près de 2 heures, sur un rayon d’action de 50 kilomètres. Ses services sont donc notamment sollicités par ERDF, gestionnaire du réseau électrique français, pour la surveillance de ses lignes haute tension. Alors que 80% des drones ont une vocation militaire, de tels usages civils se multiplient, à l’image de la prévention des incendies dans la forêt landaise, proposée aux pompiers des Landes par Fly-n-Sense, une PME bordelaise pionnière du secteur.
Comme Survey Copter, cette dernière a aussi des essais programmés ce lundi à la base aérienne de Souge. A Martignas-sur-Jalle, le centre d’essai des systèmes autonomes (Cesa) est en effet le seul de France pour les drones civils. 100 jours de tests y ont été effectués en 2013, et des dizaines vont s’y dérouler cette semaine : l’UAV Show (pour unmanned aerial vehicule), démarre ce mardi, et si ce salon de référence pour les aéronefs sans pilote se tient jusqu’à jeudi à la BA106 de Mérignac, ses participants pourront assister à des démonstrations à Martignas. 1600 visiteurs sont attendus.
« La première édition en 2010 a servi à faire connaître les drones civils, raconte François Baffou, directeur de Bordeaux Technowest, l’incubateur d’entreprises qui organise l’UAV Show. La deuxième, en 2012, s’est tenue au moment où le marché s’ouvrait avec la réglementation encadrant l’utilisation des drones, en interdisant le survol sans autorisation de zones habitées, pour éviter les accidents. On a alors pu faire des choses en toute légalité. Et les participants à cette troisième édition font tous du business, réalisent des chiffres d’affaires ou réussissent des levées de fonds. »
700 utilisateurs habilités
Ils surfent sur des prévisions alléchantes – d’ici 2022, le budget mondial de dépenses liées aux drones pourrait doubler et atteindre 11,4 milliards de dollars, marché européen en tête, selon le cabinet Teal Group. La mode pour l’engin ne se dément pas, et la croissance de ses utilisateurs est exponentielle, selon Emmanuel de Maistre, président de la Fédération Professionnelle du Drone Civil (FDPC) et dirigeant de l’opérateur de drones Redbird, sur le site du ministère du développement durable :
« En novembre 2012, on dénombrait 90 opérateurs déclarés. Aujourd’hui, ils sont environ 700, d’après le nombre de demandes de manuel d’activité particulières (MAP) accordées par la direction générale de l’aviation civile (DGAC). La France est le pays qui compte le plus grand nombre d’opérateurs au monde et je pense qu’ils seront plus d’un millier à la fin de l’année. »
Le drone de Surveycopter après son vol d’essai (SB/Rue89 Bordeaux)
Mais sur ce nombre, à peine le quart a une réelle activité économique, et on dénombre une quinzaine de constructeurs. Sur les 10 plus gros fabricants et exploitants de drones civils en France, 4 sont du Sud-Ouest, dont Fly-n-Sense, Xamen Technologies (à Pau) ou Delair Tech (à Toulouse). Avec 80 structures impliquées dans la filière drones (entreprises, labos, universités…), dont plusieurs font partie du cluster Aestos, et 1000 emplois générés, l’Aquitaine paraît être un bastion du drone civil.
« Ce sont des sociétés encore modestes, nuance François Baffou. La plus importante, Fly-n-sense, a 14 salariés. 90% du marché, c’est encore de l’audiovisuel, des prises de vue pour la télé ou le cinéma. L’enjeu désormais, c’est de toucher les grands comptes du secteur industriel, pour la surveillance des ouvrages d’art, la sécurité… Pour l’heure, ce sont souvent les mêmes noms de clients qui reviennent – EDF, la SNCF… Comme le véhicule électrique, il faut que les entreprises qui ont les moyens, les Veolia ou les Bouygues, tirent la filière vers le haut. »
In drones we trust
Pour certaines entreprises, la réglementation est trop stricte – les autorisations préfectorales sont systématiques, et dépendent des scénarios de vols. Conseiller défense et sécurité de l’entreprise Bertin, dont l’activité drones représente 10 à 15 personnes sur un effectif de 450 personnes, Nicolas Guillemet doute ouvertement du décollage promis :
« Cela fait des années qu’on nous jure que ce sera pour l’année d’après. Aujourd’hui, on nous l’annonce pour 2015… Cela suscite de l’engouement, mais utiliser des drones ne vaut pour l’instant le coup que pour remplacer de la main d’œuvre humaine qui coûte très cher, comme des cordistes qui vérifient les barrages hydroélectriques. On croit beaucoup au potentiel dans l’agriculture, pour géolocaliser les zones qui méritent d’être traitées ou pas par des pesticides. Cela permet de faire des économies sur ces produits très coûteux, et puis un agriculteur est chez lui, il n’a pas de contraintes liées aux zones urbanisées et au respect de la propriété privée. »
La surveillance du vignoble, une application proposée par l’entreprise bordelaise Fly-n-sense (Fly-n-Sense©)
Cela se vérifie dans le vignoble bordelais, où Bernard Magrez a fait l’emplette d’un drone, et où le fournisseur de produits phytosanitaires Vitivista travaille avec Fly-n-Sense sur Vitidrones.
Ce projet de 480 000 euros est financé pour moitié par le conseil régional d’Aquitaine, nouvelle preuve du soutien massif des élus locaux à la filière : 1,156 millions d’euros de la région en 2012, 615 000 euros des collectivités locales pour l’organisation de l’UAV Show (soit environ le tiers du budget toal), dont 50 000 de la poche de Mérignac.
Big Brother planant
Les élus écologistes de la majorité municipale se sont abstenus lors du vote de cette subvention, seule note discordante dans le concert de louanges pour la filière, explicitée par Gérard Chausset, leader du groupe EELV de Mérignac :
« On ne nie pas les avancées profitables des drones, notamment pour la surveillance de sites et pour l’environnement. Mais c’est en même temps une technologie d’intrusion, qui pose problème quant à la protection des libertés publiques, notamment avec la miniaturisation de plus en plus poussée. On a pu en voir les dérives lors des écoutes de la CIA. On a aussi vu dans la guerre israélo-palestinienne (lire ci-contre) que les drones restaient avant tout un instrument militaire abondamment utilisé. La prolifération des drones, c’est Big Brother. Il faut un contrôle citoyen et je ne suis pas sûr que celui-ci soit opérationnel. »
Rassemblement devant l’UAV Show contre Israël
EELV Aquitaine appelle à un rassemblement ce mercredi 16h devant l’entrée de la Base Aérienne 106 « afin de regretter la présence d’un pavillon israélien au salon UAV show Europe ». Durant « cinquante jours d’une guerre extrêmement meurtrière [à Gaza], l’armée Israélienne a massivement utilisé les drones de combat, qui contrairement à la propagande soldatesque, font de très nombreuses victimes civiles (hommes, femmes, enfants) et non pas seulement des assassinats ciblés de “terroristes supposés” », déplore le parti écologiste.
« A l’heure où EELV ne peut que se réjouir de la décision prise par l’Elysée de suspendre la livraison du premier des deux navires de guerre Mistral à la Russie de Vladimir Poutine, nous demandons la fin de la coopération militaire avec Israël et un embargo sur les produits militaires israéliens. La France doit cesser toute collaboration avec l’industrie militaire israélienne et donc renoncer à l’achat des drones de fabrication israélienne. En effet, le salon UAV Show Europe (drone) couplé avec le salon ADS Show (maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de défense) démontre que l’industrie “civile” du drone n’en a que le nom et est totalement intriquée dans le monde militaire. »
Députée socialiste membre de la commission de la Défense, et adjointe au maire de Mérignac, Marie Récalde rejoint son collègue écologiste sur la nécessité de mieux réglementer, notamment sur la confidentialité et la durée d’utilisation des images. Alors que les entreprises souhaiteraient assouplir certaines règles, Mais elle juge qu’après avoir « raté le virage du drone militaire, la France ne doit pas manquer celui du drone civil » :
« Nous avons une multitude d’entreprises dont les chiffres d’affaires demeurent modestes, mais on sait que la dynamique d’investissement est là. Ces PME cherchent des acteurs avec qui peuvent s’associer, et Thalès, par exemple, travaille avec les TPE spécialisées drones pour les équiper de système de surveillance. Et il faut que l’État soit très présent pour accompagner ce développement. La création d’un acteur national, d’un EADS du drone, serait un facteur clé de croissance et d’intelligence économique face à la concurrence américaine, très offensive. »
Comme François Baffou, Marie Récalde souhaite en outre que la qualité et la fiabilité des drones soit renforcée, afin d’éviter des accidents comme ceux survenus récemment. Cela passe par exemple par une reconnaissance par l’Etat de quelques écoles de télépilotage, dont bien sûr celle du CESA, le centre d’essai de Martignas. Alors que le nombre d’opérateur explose, ce dernier va par ailleurs signer une convention avec Gan pour certifier les drones, sorte de vérification a posteriori du manuel d’activité particulière de la DGAC.
L’Aquitaine se pose ainsi comme une tour de contrôle du secteur.
Aller plus loin
Un article de L’Usine nouvelle sur la filière
La fédération professionnelle du drone civil
La réglementation des drones sur le site du ministère du développement durable
L’interview du philosophe Grégoire Chamayou, auteur de Théorie du drone (éditions La Fabrique, 2013)
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