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Une réforme à tiroirs
Alain Juppé est allé, vendredi soir, à la rencontre des élus du Conseil municipal pour rappeler les enjeux de la métropolisation en cours et répondre aux questions.
«L'avènement de Bordeaux Métropole ne doit pas signifier la mort à petit feu de nos communes. Alain Juppé et moi-même n'avons pas cette vision-là », a lancé Alain Anziani devant son Conseil municipal. Et l'invité du soir d'acquiescer.
En tournée depuis des semaines, le président de Bordeaux Métropole (feu la CUB) faisait escale vendredi soir à Mérignac, afin d'expliquer les enjeux de ce basculement institutionnel, effectif depuis le 1er janvier.
Le chantier de la métropolisation recouvre trois réalités. Primo, des transferts de compétences. Certains ont eu lieu en 2014, d'autres en janvier 2015, comme le tourisme, les réseaux de chaleur, la concession de la distribution du gaz et de l'électricité. Ces glissements se réalisent à travers « des opérations financières entièrement blanches » pour les communes qui perdent ces compétences et la métropole qui les récupère. Pour y parvenir, une instance a été créée, la Clect ou commission locale d'évaluation des charges transférées. Elle est présidée par Patrick Bobet, maire du Bouscat et vice-président de Bordeaux Métropole en charge des finances.
Loin du tsunami budgétaire
Un premier bilan des charges reprises par l'établissement public a été dressé commune par commune. Il porte sur les aires d'accueil des gens du voyage, les infrastructures de charge des véhicules électriques, les réseaux de chaleur, les aires de stationnement, la concession de la distribution de l'électricité, la politique de la ville ou encore les aires de stationnement. Pour Mérignac, ce train de mesures représente une enveloppe financière de 150 172 euros. « On est loin du tsunami budgétaire », commente Juppé.
Après les compétences, le deuxième étage est constitué par le transfert d'équipements (sportifs, culturels ou socioculturels) présentant un intérêt métropolitain. Dans certains cas, l'identification de ce critère est manifeste : parc des expositions de Bordeaux-Lac, nouveau stade. Il est « hautement probable » que le futur stade nautique de Mérignac intègre cette liste. Le Conseil de métropole, qui en définira la totalité du contenu, se prononcera à la majorité des deux tiers, sachant que ce travail devra être bouclé fin 2016.
Mutualisation à la carte
Mais le cœur de la réforme se situe ailleurs, au niveau de la mutualisation des services. « C'est là-dessus que se jouera son succès ou son échec. »
Trois catégories se dégagent, à commencer par les services qui resteront intégralement communaux : petite enfance, écoles, secteur social, l'essentiel des activités culturelles et sportives.
À l'inverse, il existera des services intégralement métropolitains comme le réseau TBC, l'eau ou l'assainissement.
Enfin, il est prévu des services communs. Rattachés juridiquement et administrativement à la métropole, ils seront à la disposition des maires, et à l'interface entre les équipes municipales et les services communaux. Plus de 150 fonctions mutualisables ont été identifiées (finances, ressources humaines, aménagement urbain, etc.). Elles figurent dans un schéma de mutualisation qui devra être examiné par les 28 Conseils municipaux des collectivités membres. À Mérignac, les élus se prononceront le 20 février.
« Souplesse et pragmatisme » sont mis en avant. En effet, « le choix des services mutualisables repose sur le principe du volontariat. Rien ne sera obligatoire. Chaque commune choisira les plats qu'elle souhaite partager, soit tout de suite, soit dans le temps. Toutefois, le voyage sera nécessairement un aller simple. » Autrement dit, tout retour en arrière sera impossible, histoire d'éviter la pagaille généralisée.
Alain Juppé et Alain Anziani ont tenté de donner des gages sur leur volonté partagée de conserver ces services au plus près de la population, via l'échelon déconcentré des directions territoriales de Bordeaux Métropole. Enfin, les deux hommes ont souhaité lever les inquiétudes des élus et des agents, et redire leur attachement au maintien d'un service de qualité.
La métropolisation fait débat
Durant la discussion, l’élu communiste Joël Girard a fait part de ses doutes quant au maintien, à terme, de la qualité du service rendu à la population. Alain Juppé a réaffirmé que le processus de mutualisation des services ne conduirait à aucune suppression d’emploi. En outre, « élus et services municipaux continueront d’être la porte d’entrée de proximité. » Avant d’ajouter que les directions territoriales de Bordeaux Métropole poursuivront leur travail en étroite liaison avec les mairies. S’agissant des agents municipaux concernés par la métropolisation, ils seront informés dès que possible sur leurs nouvelles conditions de travail. Enfin, sur le plan financier, Alain Juppé a souligné que le régime indemnitaire de la CUB était plus favorable que celui de la plupart des agents communaux.
Bernard Le Roux a demandé si cette réforme s’accompagnerait de nouvelles directions territoriales déconcentrées. La question s’est posée, « mais nous préférons, pour l’instant, partir sur les périmètres actuels », a indiqué Juppé, sans pour autant fermer définitivement la porte à de nouvelles créations. Dans l’immédiat, il s’agit surtout de renforcer les directions existantes en moyens humains, financiers et immobiliers.
Favorable à la métropolisation, l’écologiste Gérard Chausset a exprimé son attachement au fait que chaque commune puisse garder ses spécificités, notamment dans la gestion des espaces verts. En réponse, le président a rappelé le principe de la mutualisation à la carte. D’autre part, « Les maires pourront donner des instructions aux services communs via le contrat d’engagement ». Dans le cas de la mutualisation des finances par exemple, la ville sautant le pas conservera la main sur les orientations politiques et fiscales.
Rebondissant sur une réflexion sibylline d’Alain Juppé, l’élu Pierre Girard s’est inquiété d’un possible coup de frein sur l’aménagement de nouvelles lignes de tramway. Le président de Bordeaux Métropole a alors précisé sa pensée en évoquant l’annulation par le tribunal administratif de deux arrêtés préfectoraux relatifs à la ligne D et au tram train du Médoc. En toile de fond de ces décisions, la justice met en cause le taux de rentabilité interne (TRI) supposé insuffisant de ces lignes. Lequel calcule le ratio entre le nombre de passagers et le coût de l’investissement. « Si on a du mal à justifier la construction de nouvelles lignes, il faudra peut-être se rabattre sur d’autres moyens de transport comme le BHNS (bus à haut niveau de service). » Pensait-il par extension à la liaison entre les Quatre Chemins et l’aéroport ? Malheureusement, la séance a été levée avant que cette demande d’éclaircissement ne soit formulée. Même si, dans les couloirs, Alain Anziani affirmait que la rentabilité de cette ligne ne faisait aucun doute.
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