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Mérignac, 13 Juin 2006
Monsieur Alain ROUSSET
Président de la Région Aquitaine
Objet : Diversification industrielle
Monsieur le Président,
La situation actuelle de la SOGERMA, en sursis, met encore plus en lumière la fragilité du tissu industriel de notre région. Plus généralement, la crise de la SOGERMA vient s’ajouter à la liste des entreprises girondines ayant connu des difficultés économiques depuis quelques années. En un an, ce sont près de 3000 emplois qui ont disparu en Gironde dans le cadre de plans sociaux et de restructurations d’entreprises de plus de 50 salariés : Ford, la Soferti, les fonderies du Bélier Vérac, etc. La situation actuelle nous paraît préoccupante, et on peut légitimement s’inquiéter.
D’autre part, vous n’êtes pas sans savoir que les établissements girondins de EADS, de SME, de Snecma Propulsion Solide, de la DGA (CAEPE), et le Centre d’Essais des Landes (CEL), qui ont compté jusqu’à plus de 6 000 emplois dans les années 80, sont extrêmement fragilisés depuis une dizaine d’années. La réduction des budgets de la Défense entraîne en effet la réduction des programmes et leur étalement dans le temps. De plus, la concentration et la privatisation des entreprises aéronautiques, spatiales et militaires européennes imposent des logiques transnationales qui ont parfois de douloureuses conséquences, à l’image de la SOGERMA.
Dans le cadre du dossier SOGERMA, des pistes sont actuellement explorées pour réindustrialiser le site et revitaliser le bassin d’emploi de Mérignac. La fin du moratoire étant prévue pour la fin du mois de juin, il convient de rester vigilant quant aux engagements pris par le groupe EADS. Les Verts tiennent à réaffirmer leur position pour le maintien du site industriel, et notamment de l’activité de maintenance aéronautique. Le site de Mérignac offre en effet de nombreux atouts, à l’image de ses infrastructures et les technologies composites trouvent un écho évident avec le pôle de compétitivité aéronautique.
Mais nous pensons qu’il serait utile d’envisager également d’autres pistes de réflexion, qui en apparence peuvent paraître éloignées des secteurs industriels actuellement présents en Aquitaine, mais qui en réalité s’appuient sur des compétences locales existantes. Nous faisons ici référence à l’industrie des énergies renouvelables.
Bien entendu, il ne s’agit pas de transformer la SOGERMA en usine de fabrication d’éoliennes. Il s’agit plutôt de se situer dans une perspective de diversification de notre tissu industriel, en se tournant vers des activités d’avenir, sur la base d’un potentiel existant. En effet, si renforcer le potentiel technologique du Sud-Ouest dans les domaines aéronautique et spatial répond à la logique du pôle de compétitivité, il nous semble cependant opportun de miser également sur d’autres secteurs d’activité pour consolider notre économie régionale en cas de retournement de conjoncture.
Nous avons ici toutes les compétences et l’ingénierie pour lancer une industrie des énergies renouvelables. Il y a là un marché extrêmement prometteur sur le plan local et national à court ou moyen terme (5 à 10 ans), ce qui offre des perspectives internationales très intéressantes à moyen ou long terme (15 à 25 ans), et l’Aquitaine a la possibilité de tirer bénéfice de cette situation si elle s’en donne les moyens dès maintenant, avec une vision d’avenir, car il s’agit de développement durable.
En Aquitaine, il y a deux voies à explorer et exploiter, pour lesquelles nous disposons d’infrastructures adaptées ou (relativement) facilement adaptables : l’énergie éolienne et l’énergie solaire. Le tissu industriel existant offre un certain nombre de ressources et de savoirs-faire susceptibles d’être orientés dans ce domaine, notamment pour ce qui concerne les matériaux, les pales, le fuselage et les turbines :
• Compétences en matière de matériaux composites
• Compétence et moyens de conception (design, essais, développement)
• Infrastructures pour la fabrication et la maintenance des éoliennes
• Infrastructures pour des expéditions internationales
• Expertise en matière de pépinières d’entreprises, de « centres d’incubation » et de recherche-développement…
Suite aux accords de Kyoto, la France s’est engagée à ne pas émettre en 2012 plus de gaz à effet de serre qu’en 1990, et à les réduire de 75 % d’ici 2050. De par son potentiel éolien important (lié aux atouts de son territoire terrestre et maritime), la région Aquitaine pourrait participer fortement à cet objectif et contribuer à atteindre d’ici 2010, le seuil des 21% de consommation nationale d’électricité produite à partir d’énergies renouvelables. La production annuelle du parc éolien aquitain pourrait ainsi représenter entre la moitié et les ¾ de la consommation électrique régionale de 1996, soit 3000 à 4000 MW en 2025.
L’industrie éolienne n’a pas 20 ans d’âge et se situe dans le bas de la courbe en « S » caractéristique de tout développement technologique. Ses marges de progression en terme de productivité sont donc encore importantes.
L’énergie éolienne a généré plus de 100 000 emplois à ce jour dans l’Union Européenne, dans la fabrication des turbines, l’installation, l’entretien et la maintenance. Pour la plupart de ces emplois, il s’agit d’emplois à forte valeur ajoutée, générant principalement une activité locale et régionale. Ainsi, d’après les chiffres de capacité installable en Aquitaine, le nombre d’emplois nécessaires en région pour s’occuper de la maintenance des éoliennes uniquement pourrait représenter entre 500 et 1000 emplois durables et difficilement délocalisables.
Pour information, la France ne compte dans ses rangs aucun fabricant d’envergure européenne dans le domaine de l’éolien. Or, il se trouve que les capacités d’accueil du complexe bordelais sont uniques et réelles. Et si les individus ne sont certes pas interchangeables, les compétences collectives sont cependant en mesure d’être mises à la disposition d’activités nouvelles sur ce même territoire à moyen terme.
Il n’y a pas d’incompatibilités entre les efforts actuels pour encourager des secteurs comme l’aéronautique ou les composites, et le développement d’un secteur des énergies renouvelables. A ce titre, le Pays de Galles fait figure d’exemple à suivre. Alors même que cette région du Royaume-Uni abrite la construction des ailes des Airbus, le Pays de Galles s’est positionné fermement dans le domaine du photovoltaïque et accueille aujourd’hui la plus grande usine européenne du secteur. Les énergies renouvelables sont en plein essor et constituent un secteur de recherche particulièrement prometteur. Et en Aquitaine, nous avons nous aussi les compétences et les moyens pour faire face à ce marché en devenir.
La crise de la SOGERMA doit servir de déclencheur à la mobilisation des acteurs pour mener une réflexion globale sur les perspectives de développement économique de l’Aquitaine à partir des savoirs-faire existants. Si les intérêts d’ EADS sont pour le moment relativement éloignés du développement durable, il nous semblerait intéressant de travailler à mettre en synergie les compétences diverses sur notre territoire au profit du développement d’un pôle industriel sur les énergies renouvelables. Le rôle des collectivités publiques n’est-il pas d’anticiper les éventuels problèmes de reconversion et de créer un environnement favorable à l’activité économique pour assurer le développement de leur territoire ?
Dans le cadre des groupes de travail liés à la crise de la SOGERMA, il nous paraît particulièrement opportun de prendre en compte les énergies renouvelables en tant que moyen de diversification industrielle sur notre territoire.
En souhaitant que vous observiez une attention particulière à nos suggestions,
Veuillez croire, Monsieur le Président, en l’assurance de nos sentiments distingués.
Gérard CHAUSSET
Vice Président de la CUB
Adjoint au Maire Mérignac
Xavier SVAHN
Adjoint au Maire
Xavier LHOMME
Groupe local des Verts de Saint-Médard-en-Jalles