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Débat à l’odeur de poudre Article de Sud Ouest et éléments du dossier pour notre intervention
Un avis favorable, avec réserves, a été délivré pour l’exploitation, par Herakles, d’une unité de conditionnement de nitramines à Saint-Médard-en-Jalles. Seuls les écologistes ont voté contre||emploi Reprochant à Bagelstein sa communication sexiste, la Ville retire son projet de partenariat avec l’enseigne de restauration.
Vendredi soir, pour le dernier Conseil municipal avant les vacances, les élus étaient appelés à se prononcer dans le cadre d'une enquête publique visant la société Herakles (groupe Safran). L'enjeu pour cette dernière : obtenir l'autorisation d'exploiter des installations de stockage et de conditionnement de nitramines sur son site de Saint-Médard-en-Jalles, communément appelé « la poudrerie ». Étant située dans un rayon de 6 kilomètres, la commune de Mérignac était fondée à émettre un avis.
Présentant la délibération, René Saba, adjoint délégué à l'administration générale, a rappelé que l'établissement était classé Seveso seuil haut. Son activité principale consiste à fabriquer des propergols solides composites, utilisés dans la propulsion des missiles, des fusées et dans la sécurité automobile. Puis l'élu a énuméré les précautions envisagées par l'industriel : préservation des secteurs à fort enjeu écologique, respect du périmètre de protection éloigné d'un projet de captage d'eau destiné à la consommation humaine, préconisation de choix techniques évitant toute communication avec les nappes aquifères.
Jalle de Blanquefort
Fort de ces précisions, René Saba a proposé de délivrer un avis favorable, assorti cependant de quelques réserves portant sur une surveillance plus rigoureuse de la pollution de l'air et de l'eau, et une demande de relevés mensuels sur les rejets aqueux. Il s'agit en l'occurrence de mesurer une vingtaine de paramètres, dont les nitramines. Car s'il est mentionné que les eaux de lavage devront être stockées, traitées puis recyclées, il est aussi prévu qu'Herakles procède à des purges périodiques du circuit dans la Jalle de Blanquefort.
Au nom de l'opposition, Christophe Vasquez s'est d'abord félicité que la majorité tranche enfin clairement sur une périodicité mensuelle des contrôles. Plus flou, le texte de présentation évoquait une surveillance quotidienne, mensuelle ou trimestrielle. « Et quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup », a-t-il glissé à la manière de la grand-mère de Martine Aubry. Il a ensuite égrené les éléments positifs et négatifs du dossier avec un sens de l'équilibre digne de son ancrage centriste. « Si de nombreux risques humains et environnementaux ont été pris en compte, l'aspect de la pollution des jalles par les eaux de nettoyage semble souffrir de quelques lacunes », a plaidé le benjamin de l'assemblée.
Selon lui, Herakles se doit de participer financièrement aux efforts scientifiques et techniques permettant de limiter, voire de neutraliser, les polluants ultimes. Cela au nom du principe pollueur-payeur. Soufflant le chaud et le froid, l'opposition a finalement basculé dans le camp des partisans de l'avis favorable. Idem pour le groupe communiste.
Seuls les écologistes sont allés franchement à rebrousse-poil. Jean-Claude Pradels n'a pas manqué d'indiquer que du nitrate d'ammonium avait déjà été retrouvé précédemment dans les eaux de captage destinées à la consommation. Ce qui avait conduit le préfet à réagir. Et d'enchaîner : « Le dossier ne fait pas apparaître de façon évidente la prise en compte de la voirie de desserte des installations. »
« Il faut savoir dire stop »
Il rejoint en outre la Dreal (Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement) sur l'idée que l'étude d'impact est insuffisante au regard de certains risques, notamment celui de la communication possible entre les nappes du Miocène et de l'Oligocène. Enfin, il dénonce les rejets prévus des eaux de purge dans la Jalle de Blanquefort qui alimente les maraîchers de l'agglomération. « N'existe-t-il pas une autre solution ? »
Un peu plus tard, son collègue Gérard Chausset a évoqué le « piège de l'emploi » dans lequel le socialiste Alain Anziani et les siens seraient tombés. « À un moment donné, il faut savoir dire stop. Il y a un contentieux écologique et moral sur ce site. » Et de pointer par la suite la difficulté, y compris pour les services de l'État, de pouvoir effectuer des contrôles sur place.
Pour Gérard Chausset, un avis défavorable aurait permis de marquer le coup et d'obtenir d'Herakles le déploiement de pratiques plus vertueuses.
Réfutant l'expression de piège à l'emploi, le maire a mis en exergue l'épaisseur du dossier accompagnant l'enquête publique. « Celui-ci apporte beaucoup de réponses aux craintes ou aux peurs. On n'est pas dans la démagogie. S'il y avait vraiment un risque pour la santé ou l'environnement, on dirait stop. Mais on croit profondément qu'Herakles maîtrise les différents risques et que l'État les surveille. »
Bagelstein est mis à l’index
Lors de la même séance, le Conseil municipal a adopté une série de conventions de partenariat pour l’emploi local impliquant la Ville, l’ADSI Technowest et des entreprises. À savoir le restaurant Canopée Café, Chullanka (société spécialisée dans le monde de la montagne et de la randonnée), l’enseigne de bricolage Castorama, Taldi et le groupe Snef. Celle relative à la société Bagelstein, établissement de restauration rapide implanté depuis peu le long de l’avenue Kennedy, a été retirée au dernier moment. La députée et adjointe à l’innovation, Marie Récalde, s’en est expliquée. « Habituée au bad buzz et à l’humour douteux pour vendre ses sandwiches, cette enseigne a franchi un cap, récemment, en utilisant des messages sexistes, à la limite de l’homophobie, et d’autres s’amusant des violences sexuelles. » Citations à l’appui, l’élue a tenté de retranscrire la tonalité générale de la communication de Bagelstein, notamment celle qui orne les sets de table et les plateaux.
« Au risque de paraître manquer d’humour, je tiens à rappeler qu’une femme sur deux a été ou sera victime de violences sexuelles dans les transports en commun ; que 75 000 femmes sont victimes chaque année en France de ce que Bagelstein considère comme du ‘‘sexe sportif’’ , mais que notre Code pénal qualifie de viol. Ce type de publicité repose sur des procédés bien connus, des lieux communs archaïques et dépassés contre lesquels nous luttons parce qu’ils entretiennent un climat propice aux violences. » Sa déclaration a été applaudie par l’ensemble des élus présents.
O. D.
Les éléments du dossier sur lesquels s’appuient les interventions de Jean-Claude PRADELS et la mienne.
ICPE – Enquête publique - Installations de stockage et de conditionnement de Nitranimes – Société Héraklès
- Objet du projet
Les études industrielles menées par Herakles ont montré la nécessité de mettre en place les nouvelles installations suivantes :
- une aire de déchargement des nitramines,
- deux aires de stationnement temporaire de véhicule chargé de matière de division de risque DR 1.1,
- quatre nouveaux igloos de stockage de nitramines,
- un atelier de conditionnement et son local de commande déporté : atelier où se fera le déconditionnement des nitramines et le remplissage des conteneurs intégrant leurs pesées. Cet atelier comprendra également un local de stockage temporaire d’un conteneur plein, un local de nettoyage des conteneurs et un local de stockage des conteneurs vides.
Les nitramines sont des composés nitrés utilisés dans la propulsion solide pour leurs propriétés énergétiques très élevées. Leur incorporation aux compositions permet de produire des propergols aux propriétés énergétiques accrues.
Ces charges remplacent pour partie le perchlorate d’ammonium dans la composition des propergols composites.
Les nitramines appartiennent à la classe 1 des marchandises dangereuses et sont classés en division de risque 1.1. Leur équivalent TNT est de 1,2. Les nitramines les plus courantes sont l’hexogène (appelé également RDX) et l’octogène (appelé également HMX).
- Principaux enseignements issus du dossier d’étude d’impact
1/ Plusieurs insuffisances dans le dossier
La DREAL dans son avis fait mention à plusieurs reprises d’éléments cartographiques qu’il aurait été utile d’intégrer dans le dossier.
De même, l’étude d’impact ne présente pas les autres projets identifiés par le pétitionnaire pour justifier de l’absence d’impact cumulé ou ne présente pas en annexe l’étude géotechnique, manques signalés par la DREAL dans son avis.
2/ le volet faune/flore
Le dossier fait état d’une étude d’impact réalisé par BIOTOPE » sur la base de nombreux relevés terrain d’octobre 2014 à juin 2015 ».
Or, la lecture de l’étude d’impact révèle qu’un seul passage a été réalisé en octobre 2014, et actualisé par un autre passage au printemps 2015 (période de reproduction) !
La DREAL revient dans son avis sur cette problématique de méthodologie pour la réalisation de l’étude faune-flore-milieux naturels.
En effet « les consignes de sécurité sur le site ont contraint à réaliser les inventaires à des dates définies en fonction des activités de production du site et uniquement durant la journée. Ainsi, les inventaires n’ont pas forcément été réalisés dans les meilleures conditions météorologiques pour l’observation de la faune. » (cf. étude d’impact réalisée par BIOTOPE).
Egalement, les inventaires n’ont pas pu se faire de nuit, ce qui n’a pas permis de confirmer la présence de certaines espèces nocturnes identifiées dans la bibliographie. Celles-ci ont donc été considérées comme présentes dès lors que les habitats étaient favorables à l’espèce. Toutefois, la pose d’enregistreur nocturne (SM2Bat) pour les chauves-souris a été permise.
Egalement, les contraintes d’accessibilité à la zone d’étude n’ont pas permis de réaliser les expertises entomologiques dans des conditions climatiques favorables à l’observation des papillons de jour et des odonates. En effet, le passage en juin a été réalisé par temps couvert après une nuit orageuse et pluvieuse.
L’expertise de terrain a donc essentiellement consisté en une évaluation des capacités d’accueil des milieux pour les espèces remarquables connues du secteur.
En conséquence s’il semble ressortir de l’étude un impact relativement faible en matière de biodiversité, la méthodologie appliquée peut interroger… notamment sur la bonne volonté de l’établissement en la matière (il ne semble pas avoir véritablement facilité le travail du cabinet d’études BIOTOPE…).
3/ Les eaux rejetées
Il s’agit de la problématique principale de ce dossier d’enquête publique.
Pour rappel, le projet se situe dans l’emprise des périmètres de protection éloignée (PPE) des captages d’eaux destinées à la consommation humaine « Caupian Galerie », « SMIM 2» et « Gajac 4 » sur la commune de Saint-Médard-en-Jalles.
Le réseau possède 5 points de rejets directs dans la Jalle liés aux activités de Herakles (1, 2, 3, 3bis et 6), et 2 points de rejets liés aux activités de ROXEL (4 et 5). Un dispositif de surveillance (débitmètre, prélèvement automatique asservi au débit) est positionné juste avant les rejets dans la Jalle.
Les rejets aqueux de la nouvelle activité seront principalement les eaux de lavage de l’atelier de préparation et du conteneur. Ces eaux seront chargées en Nitramines, composés ayant une très faible solubilité dans l’eau (S<60 mg/L). Un système de traitement des eaux de lavage par filtration sera mis en place.
Le rendement global attendu est > 99% et permettra de garantir un niveau de rejet en nitramines inférieur à 100 mg/j, conformément à l’arrêté préfectoral complémentaire du 20 novembre 2013 (ces eaux de lavage, qui circuleront en circuit fermé, seront régulièrement collectées dans un GRV puis rejetées dans l’égout n°6).
- 1ère remarque : pourquoi ce choix de mode d’élimination des eaux de purge au regard des autres méthodes d’élimination envisageables ? (la DREAL juge l’étude d’impact insuffisamment explicite et justifiée sur ce point).
- 2ème remarque : le dossier ne présente pas de bilan des contrôles réalisés jusqu’à présent et imposés par l’arrêté préfectoral du 20 novembre 2013 afin de compléter l’analyse des impacts du projet au regard de la situation globale du site (cf. avis de la DREAL )
- 3ème remarque : la fréquence des contrôles pour les nitramines est prévue à une fréquence trimestrielle (alors qu’elle est calibrée sur une fréquence quotidienne pour le perchlorate cf. page 53 de la notice descriptive).
- 4ème remarque : la DREAL estime que l’étude d’impact ne démontre pas l’absence de risque de communication entre les nappes du Miocène et de l’Oligocène.
En conclusion, au regard de l’historique récent des incidents industriels du site (depuis 2011), de l’avis de la DREAL favorable mais assorti de fortes réserves relatives aux eaux de purge, et considérant l’état écologique de la Jalle de Blanquefort (cf. tableau ci-dessous, source SAGE),
Le groupe écologiste émet un avis défavorable au projet tel que présenté si les points suivants ne sont pas pris en compte :
- La mise en place d’un dispositif de surveillance plus poussé avec notamment une fréquence des contrôles des rejets plus importante pour les nitramines
- Le recours à une autre méthode d’évacuation des rejets (pas de rejet dans la jalle)
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