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Courrier au Président de la CUB pour un passage en régie du service de l’eau

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Bordeaux, le 03 mai 2006

Monsieur le Président de
la Communauté Urbaine

Objet : révision quinquennale du contrat de l’eau

Monsieur le Président,

A la lecture du rapport de la commission de contrôle du 27 mars 2006, on ne peut qu’éprouver un double sentiment.

En premier lieu, notre satisfaction est certaine au regard des travaux réalisés par les services. En effet, les éléments avancés corroborent et enrichissent le dossier à partir des chiffres comptables obtenus grâce à la pugnacité de l’inspection générale, et viennent ainsi conforter les analyses plus que critiques sur le contrat avec la Lyonnaise des Eaux.

Cependant, la lecture de ce rapport nous procure également un sentiment de malaise et de gâchis au regard de notre établissement. Si le travail de l’inspection générale, que vous avez su renforcer depuis votre présidence, est exemplaire, le manque d’intérêt de la part de la communauté urbaine pour exercer son droit de contrôle administratif sur son délégataire comme les textes le lui permettent (notamment l’article R.2222-1 du code général des collectivités territoriales) nous étonne.
Notre établissement a été sur ce point coupable au moins d’une certaine passivité.

Ainsi, sans même se référer aux travaux de Trans’Cub qui dénoncent principalement et avec raison les taux de marges hors normes des charges calculées et les taux d’intérêts du capital investi, il était possible, sans grandes connaissances financières mais avec un peu de curiosité en croisant des éléments connus de tous, de s’étonner par exemple des besoins en fonds de roulement positifs justifiés par des frais financiers inexistants, alors que dans le même temps la Lyonnaise des Eaux percevait pour compte de tiers des taxes et redevances par anticipation qu’elle nous reversait avec 6 à 12 mois de retard.
On pouvait également s’interroger sur le différentiel entre les investissements réalisés et les investissements prévisionnels.

Je n’ai cessé, Monsieur le Président, de réclamer une analyse des comptes, non pas sur la base du rapport dit « économique » du délégataire, mais sur la base d’une comptabilité analytique.
Je vous ferai grâce, Monsieur le Président, de la lecture de mes interventions depuis 2001 sur ce sujet et de mes courriers transmis à votre prédécesseur. Cependant, déjà en janvier 2004, dans un courrier faisant suite à mon intervention de Juin 2003, j’évoquais un certain nombre d’éléments qui démontrent qu’aujourd’hui, si on peut certes se féliciter du travail de la commission de contrôle, l’étonnement ne peut pour autant pas être de mise, d’autant plus que les contrats de l’eau ont fait l’objet de nombreuses remarques et études, comme celles de la Cour des comptes et des Chambres régionales, ou bien encore le rapport parlementaire de Yves Tavernier que nul ne pouvait ignorer.

Ceci étant dit, les travaux de la commission de contrôle viennent donc renforcer les critiques émises lors de l’audit sur les besoins en fonds de roulement estimés à 29 M€ en 2004 pour les deux contrats (sur la base de frais financiers que l’on peut qualifier de fictifs).

Ce point du dossier est central. Le BFR prévisionnel est un élément contractuel. Or le rapport de la commission souligne page 14 que « les graphiques montrent que l’économie prévisionnelle des deux contrats est fortement entachée d’erreur du fait du BFR ».
Ceci vient s’ajouter aux autres anomalies repérées par les services :

  charges de personnels importantes du fait de contrats de retraite/prévoyance avantageux pesant sur le contrat

  charges externes de la maison mère

  parrainage et relations publiques (à ce sujet, ne serait-il pas préférable que la CUB consacre ces sommes à des associations environnementales plutôt qu’à la maison de l’eau par exemple ?)

Sans s’appesantir sur la politique de relations publiques « appuyée » auprès de certains élus, il convient toutefois de dénoncer un système Lyonnaise des Eaux tout puissant.

Par ailleurs, il convient également de s’interroger sur le contrat d’assainissement, qui bien qu’il s’agisse d’un contrat en affermage, semble encore plus lucratif pour le délégataire. Il s’avère que sur le dossier des contributions des propriétaires raccordables mais non raccordés (RNR) nous n’en sommes plus au stade des erreurs mais de la faute puisque cette recette fiscale due par les usagers non raccordés à l’assainissement collectif a été collectée mais conservée par le délégataire, ceci depuis le début du contrat, même si nous avons voté une première recette en janvier 2006 dans le cadre d’une modification budgétaire.

A ce stade, il apparaît donc encore plus légitime de s’interroger sur la suite à donner aux travaux de révision quinquennale. En effet, comment peut-on réviser un contrat pour lequel les services concluent que « son économie prévisionnelle est fortement entachée d’erreur » ? La révision d’un contrat est à mon sens un ajustement aux péripéties et aux événements habituels liés à la vie d’un contrat, comme par exemple le tramway, l’indexation des prix, le SAGE ou tout autre événement qui nécessite des avenants. Or, dans le cas présent, les services remettent en cause l’économie même du contrat.

Compte tenu de l’erreur originelle de ce dossier, puisque c’est comme cela que l’on peut la qualifier, et d’un feuilleton de 15 ans, on peut s’interroger sur d’éventuelles nouvelles découvertes : sommes-nous véritablement au bout de nos « surprises » ?

Il apparaît aujourd’hui indispensable d’agir sur le dossier eau / assainissement en toute connaissance de cause et de poursuivre la mise à plat du coût réel de l’ensemble de ce service. On ne peut continuer à réviser un contrat de trente ans dans lequel les charges prévisionnelles du délégataires sont soit surestimées, soit fictives et/ou les recettes prévisionnelles sont minorées. La question de la validité des ces contrats est posée. Il conviendra que notre établissement y réponde.

C’est pourquoi, Monsieur le Président, je souhaite que les services étudient le coût d’un passage du service de l’eau en régie autonome et ses incidences sur le prix de l’eau, ainsi que les possibilités juridiques de rupture de contrat pour faute (ou pour tout autre raison, notamment au tire de l’intérêt général) et son coût éventuel.

Compte tenu du calendrier de révision du contrat d’affermage d’assainissement (révision qui interviendra en 2007), je souhaiterais que l’étude soit également menée pour ce qui concerne ce service. En effet, s’il s’avère que les termes de ce contrat sont tout autant désavantageux pour notre établissement, le passage en régie du service assainissement peut contribuer rapidement à la baisse de la facture des usagers.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments distingués.

Gérard CHAUSSET
Vice Président de la Communauté
Urbaine de Bordeaux

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