Soumis par Anonyme le
Texte paru sur le site Web du journal Libération le 23 Février 2007
Changement climatique, que font les intellectuels ?
La campagne présidentielle bat son plein, deux projets s’affrontent, du bas vers le haut, appelés « démocratie participative » par Ségolène ROYAL et du haut vers le bas, « la France qui travaille » de Nicolas SARKOSY.
François Bayrou tente d’émerger entre les deux sur fond de ni droite ni gauche, tout comme Le Pen qui joue l’homme invisible derrière sa fille, pour mieux tromper son monde. Une campagne qui joue petit bras, sans proposer une vision à moyen terme du monde, sans un véritable projet de société à la mesure des bouleversements qui nous attendent.
En effet, après nous avoir alerté depuis près de vingt ans, la communauté scientifique mondiale s’est réunie à Paris en Janvier sous l’égide du GIEC. Chose rarissime, les scientifiques sont tous d’accords et comme le dit si bien l’ astrophysicien Hubert Reeves, ce n’est pas la terre qui est en danger mais la vie sur terre qui est menacée d’ici moins de 50 ans, ceci à cause de l’activité humaine. Le réchauffement climatique est en marche, on peut seulement espérer en limiter les effets, à condition de se bouger dès maintenant.
La vie sur terre est donc menacée ? Pour autant, les principaux candidats sont tout juste approximatifs sur leurs intentions programmatique dans ce domaine, ils estiment avoir fait leur devoir en promettant un vice premier Ministre à Nicolas Hulot et en instaurant une taxe carbone. Ceci n’est pas nouveau, le courage politique en matière d’environnement n’est pas une spécialité française, hormis les incantations chiraquienne jamais suivie d’effet. Non seulement le jugement des scientifiques est sans appel, mais il faut y ajouter les innombrables articles dans des revues diverses de la part de chercheurs sur la bio diversité, sur la destruction des ressources halieutiques, sur la déforestation, la fonte des glaciers sans parler de la crise de l’eau à venir, et des innombrables pollutions et leurs conséquences inconnues avec une prolifération de substance digne d’apprenti sorcier. Nous sommes dans un monde déjà inégalitaire et injuste et nous fabriquons une société de destruction massive de l’environnement dans la quasi indifférence générale. A ces alertes, il faut y ajouter, le rapport de l’économiste Stern sur les conséquences économiques du réchauffement évalué à plusieurs dizaines de milliards de dollars, ainsi que la crise du pétrole qui vient s’ajouter à cette « fête ». Le film d’Al Gore, « une vérité qui dérange », porte bien son nom. Que les politiques fassent la politique de l’autruche, ce n’est pas nouveau. La majorité des citoyens est d’abord préoccupée par le quotidien, la vie difficile, le chômage, le logement etc. La vie en 2050 c’est difficile à vendre.
Mais la France, pays des droits de l’homme inventeur du mot « intellectuel », pays des philosophes des lumières, celle des « Dreyfusards », des surréalistes ou bien celle des nouveaux intellectuels et révolutionnaires de 68 où est elle aujourd’ hui dans ce débat ? Absente, tout simplement.
Le premier des droits de l’homme n’est il pas de respirer, de boire et de se nourrir sans danger ?
Que font les intellectuels les philosophes et autres sociologues dans leur rôles de guetteurs ? Où sont ils ? N’auraient ils que faire que la communauté scientifique prédise en quelque sorte la fin du monde ?
La Nation est peut être en danger, le déclin de la France est peut être économique, mais il est surtout celui d’une France tournée sur elle-même, d’intellectuels et de philosophes eux aussi en voie de disparition, incapables de s’engager, de produire la moindre réflexion, le moindre débat sur la nécessité de mettre au cœur du projet présidentiel le changement de civilisation qui nous attend.
Les politiques ont leur part de responsabilités, les écologistes et notamment les Verts doivent également s’interroger sur la façon de faire de la politique et se remettre en cause. Pour autant, qu’ont-ils fait de si mal sinon de promettre une société de sobriété où l’on consomme moins et mieux où l’on ne gaspille pas ce qui n’est pas renouvelable afin de préserver la vie de nos enfants sur terre.
La partie n’est pas facile, se prémunir d’un changement climatique sans précédent et prôner une juste répartition des richesses devraient pourtant inspirer les intellectuels et philosophes. Si les BHL, GLUKSMANN, GALLO et autres compères French Doctor se recyclent plus ou moins à droite, une nouvelle génération devrait surgir et prendre en charge intellectuellement ce défi. Les « beoat people » de notre siècle nous les connaissons déjà, ce seront les réfugiés climatiques de l’Asie ou de l’Afrique. Mais pas seulement, ce sera aussi des réfugiés européens, des agriculteurs sans outil de travail car ce qui restera de la terre aura changée de nature. Même les dirigeants économiques réunis dernièrement à DAVOS sont inquiets du sujet ! Si GW BUSH, ne veut pas signer le fameux protocole de Kyoto, pour autant dans de nombreux Etats ou villes Américaines la prise de conscience est en marche et des programmes ambitieux commencent à voir le jour. Voilà qui devrait au moins nous faire réfléchir sur l’évolution de notre société. Pour autant notre intelligentsia reste quasi muette sur le sujet. Il est vrai que le climat n’est influencé ni par DIEU ni par Marx et lutter contre l’effet de serre ce n’est pas très romantique. Pour autant, depuis vingt ans, aucun rapport scientifique n’est venu contester la thèse du réchauffement climatique et celle de la crise de la biodiversité. Pourquoi faudrait il attendre de nouvelles catastrophes, mais que faut il de plus aujourd’hui pour que ceux qui ont accès à la connaissance, au savoir et à la pédagogie remplissent leur rôles d’éveilleurs de consciences ?
Gérard CHAUSSET
Adjoint au Maire de Mérignac
Vice président de la Communauté Urbaine de Bordeaux