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Bordeaux Métropole : le bilan mitigé de la mutualisation

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Sans remettre en cause le principe, les élus dressent un bilan mitigé de la mutualisation des services. Entre Villes et Métropole, ça manque d’huile dans les rouages.
Six mois pour poser quatre potelets à Mérignac, onze mois pour livrer du matériel informatique à Saint-Aubin-du-Médoc et quatre mois pour obtenir un logiciel d'état civil mais aussi des retards dans le paiement des fournisseurs à Bruges comme à Mérignac… huit mois après sa mise en route, la mutualisation semble s'être un peu pris les pieds dans les filets de la technostructure.
Si la plupart des maires ne remettent pas en cause le principe même de la mutualisation, ils s'accordent à dire que le niveau de service attendu n'est pas toujours au rendez-vous
Rappelons que depuis le 1er janvier 2016, Bordeaux Métropole a opéré un virage historique dans la manière d'administrer le territoire. En effet, à compter de cette date, 15 communes (1) sur les 28 que compte l'agglomération, ont décidé de mutualiser des services avec la Métropole. Une mutualisation progressive et à la carte qui a entraîné un changement d'échelle significatif puisque les effectifs de Bordeaux Métropole ont dépassé les 5 000 agents (5 016 exactement contre 3 000 en 2015). Autre conséquence, une réorganisation massive des pôles territoriaux qui ont vu leurs effectifs tripler, pour rassembler près de 30 % des agents de la collectivité.
Des bugs et des retards
Huit mois après la première vague de mutualisation, les élus dressent un bilan plutôt mitigé. Ainsi, si la plupart des maires ne remettent pas en cause le principe même de la mutualisation, ils s'accordent à dire que le niveau de service attendu n'est pas toujours au rendez-vous.
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« Le principe de la mutualisation est bon, et sur le papier c'est très bien. Mais aujourd'hui, on constate que le circuit de validation de Bordeaux Métropole est beaucoup trop complexe et nuit à la réactivité », assure Christophe Duprat. Face à ce constat, le maire de Saint-Aubin-du-Médoc a décidé qu'il n'irait pas plus loin dans la mutualisation (lire ci-dessous). « On nous a incités à mutualiser mais sur certaines compétences, on voit bien qu'on n'est pas tout à fait prêt. Il aurait fallu attendre un an de plus, le temps de digérer les choses ». « On a voulu aller trop vite, notamment pour régler rapidement le problème du transfert de personnels », assure de son côté Gérard Chausset, élu EELV de Mérignac.
Et quand on interroge le maire du Bouscat Patrick Bobet sur la mutualisation, il résume ainsi la situation : « Mutualisation : peut mieux faire et va mieux faire. C'est la volonté de tous. Nous n'avons pas encore trouvé les solutions mais on va y parvenir. De toute façon, nous sommes condamnés au succès », assure le vice-président en charge des finances.
Perte d'efficacité, carences en matière de proximité et de réactivité, la lourdeur et la lenteur de la machine métropolitaine sont aujourd'hui pointées du doigt. « Certaines choses marchent bien, mais on note encore beaucoup de dysfonctionnements. Le point noir aujourd'hui, c'est les services opérationnels comme les espaces verts et la propreté, des services au plus près des citoyens. Ce qui se faisait avant, ne se fait plus maintenant alors que ce sont les mêmes personnels », affirme Brigitte Terraza, la maire de Bruges avant de poursuivre sur les finances, un service qu'elle a également mutualisé. « À Bruges, nous tenions plutôt bien les délais de paiement vers nos fournisseurs. Mais aujourd'hui, les délais ne sont plus du tout respectés ». Problème identique à Mérignac qui a mutualisé une partie des finances. « Nous avons un vrai problème en matière de paiement des factures. Les entreprises sont mécontentes et ça ne peut pas durer », poursuit Alain Anziani, le maire de Mérignac.
« Mutualiser, il fallait le faire et je n'ai pas de regret mais on peut mieux faire sur la mise en œuvre, c'est certain », souligne de son côté, Véronique Ferreira, la maire de Blanquefort.
Une année de rodage
Après huit mois de mutualisation, il y a encore des ajustements à faire, notamment en terme de réactivité. Pour Christophe Duprat, « il faut considérer que 2016 est une année blanche mais notre indulgence n'ira pas au-delà ». Pour le maire d'Ambarès-et-Lagrave, « ce qu'il faut c'est parvenir à maintenir la même qualité de service qu'auparavant ». Mais selon Gérard Chausset, il y a urgence. « Bordeaux Métropole doit apprendre à faire vite et bien. Il est logique qu'il y ait un temps d'adaptation mais il est venu le temps de l'alerte », assure l'élu EELV.
« C'est une année transitoire pour un processus compliqué et au bout de huit mois, on ne peut pas demander à ce que tout soit parfait », souligne Franck Raynal, le maire de Pessac. « Certes, il y a encore des améliorations à apporter notamment pour les espaces verts et la propreté mais pour d'autres fonctions supports, c'est pleinement satisfaisant. Il faut aussi gagner en souplesse et faire mieux circuler l'information. »
S'il partage certains constats, Alain Anziani, maire de Mérignac et vice-président en charge de la mutualisation, relativise. « Huit mois pour mettre en place une telle organisation, ça n'est pas beaucoup. Il faut accepter qu'il y ait quelques bugs, des dérapages et des délais allongés. Chacun doit prendre ses marques. Il faut le temps d'installer de nouvelles habitudes de travail. Aujourd'hui, avant de prendre bon nombre de décisions, les pôles territoriaux doivent en référer à la centrale de Mériadeck, ce qui entraîne un manque de réactivité et de souplesse. Il faut mettre en place une plus grande déconcentration et laisser aux pôles le pouvoir décisionnel. »
Pour Patrick Bobet, les marges de progrès sont réelles. « On va se donner les moyens de réussir en termes de prévisions, d'organisation et même de finances si c'est vraiment nécessaire. Mais l'argent ne résout pas tout, ce n'est pas le nerf de la guerre. »
« La culture de la proximité »
Pour l'heure, la Métropole semble devoir enfiler un nouveau costume qui n'est pas taillé pour elle. « La Métropole veut devenir un expert dans la relation avec les citoyens et devenir un acteur du quotidien. Nous devons l'aider à relever ce défi. Les Villes ont aussi un rôle à jouer dans tout ça », assure Franck Raynal. Une position partagée par Michel Héritié. « La Métropole n'a pas la culture de la proximité mais avec le temps, ça viendra », insiste-t-il qui se dit prêt à aller plus loin dans la mutualisation parce que « ça va dans le sens de l'histoire ».
De manière plus détaillée, Alain Anziani explique que « les services mutualisés ne sont pas que des services de la Métropole mais des services communs (Ville et Métropole). Pour autant, cette culture du service commun est à inventer. Le président de la Métropole doit avoir une autorité hiérarchique sur ces services communs mais les maires doivent conserver une autorité fonctionnelle. »
En attendant, certains élus comme Brigitte Terraza souhaitent mettre tout le monde autour de la table pour échanger et trouver des solutions. Un vœu qui devrait être exaucé puisqu'Alain Anziani a demandé la mise en place d'un comité de pilotage avec tous les maires concernés par la mutualisation.
Reste que ce bilan en demi-teinte donne un peu de grain à moudre aux frileux de la mutualisation comme Alain Cazabonne, le maire de Talence. « Pour l'heure, les constats des maires qui ont mutualisé correspondent à mes craintes de départ. Moins de réactivité et de proximité et perte de l'autorité hiérarchique sur le personnel. »
(1) 15 communes si l'on prend en compte les quatre qui ont régularisé l'exercice des missions de propreté.
Bordeaux Métropole : poursuivre la mutualisation en 2017 ou attendre ?
Quinze communes de la Métropole se sont engagées dans le parcours progressif vers la mutualisation. Faut-il poursuivre vers le deuxième cycle ou attendre? La question se pose.
La mutualisation étant progressive, de nouvelles communes vont pouvoir s'engager dans le processus au 1er janvier 2017. Pour l'heure, elles sont trois à avoir manifesté leur volonté de prendre le train en marche : Carbon-Blanc, Le Haillan et Bassens. Cinq autres ont dit leur envie d'élargir leur périmètre de mutualisation : Bègles, Ambarès-et-Lagrave, Floirac, Blanquefort et Ambès (encore en réflexion).
Pour autant, compte tenu des ajustements encore à réaliser sur le cycle 1, la Métropole est-elle en mesure d'absorber cette nouvelle vague de 300 nouveaux agents ? La question se pose. « Sur le cycle 2, je vais proposer que l'on sursoie le temps qu'on règle les problèmes du cycle 1. Ce n'est pas la peine d'en rajouter », indique Brigitte Terraza.
Pour Gérard Chausset, « il serait plus sage de décaler le cycle 2 afin de s'assurer auparavant que Bordeaux Métropole est en capacité de rendre le service attendu ». « Au contraire », répond Alain Anziani. « Plus il y aura de communes mutualisées, plus la question du fonctionnement se posera. »
 

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