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Au Matmut Atlantique de Bordeaux, la peur du vide : article EUROSPORT sur le grand stade Bordeaux

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Au Matmut Atlantique de Bordeaux, la peur du vide
Cet article fait suite à un autre article sur les difficultés des nouveaux stades en france de Jérome Latta sur son blog du Monde
Aymeric Le Gall
Il est beau, il est neuf mais il sonne creux. Voilà comment résumer en une phrase l'épineux cas qui entoure le Matmut Atlantique de Bordeaux, ce nouveau stade construit en périphérie bordelaise en 2015. Depuis son inauguration, les affluences de la nouvelle enceinte bordelaise font grises mines et, à part lors de quelques rares exceptions, le Matmut fait un peu peine à voir. Enquête.
"C'est vrai que ça fait tristounet", lâche Thibaud, supporter bordelais qui ne rate aucun match des Girondins. Manon, autre fidèle parmi les fidèles, ne fait pas d'autre constat : "Contre Rennes l'autre fois, je voyais qu'on était à peine 16 000 ou 18 000. Je ne sais même plus tellement c'était un chiffre ridicule... Pourtant le club fait des prix abordables, avec des packs pour les familles, et même ça, ça n'attire pas de monde. Pire, je suis sûre que même en donnant des places gratuites, les gens ne viendraient pas." Depuis son inauguration en mai 2015, le grand stade de Bordeaux se traîne une sale réputation : celle d'un stade difficile d'accès.
Pour Gérard Chausset, président du groupe EELV à la Communauté Urbaine de Bordeaux, "l'emplacement du stade en lui-même est un vrai problème. Je me suis longtemps battu contre le lieu choisi pour sa construction. On l'a mis dans un cul de sac, ça n'a aucun sens." Avec une seule ligne de tramway, et sachant que celui-ci peut au maximum évacuer 9000 personnes par heure, mieux vaut avoir un nombre confortable de parkings pour gérer les flux de supporters les soirs de matchs. Là encore, pas sûr que tout soit opérationnel à ce niveau-là. "Quand ça dépasse les 25 000 personnes, témoigne Thibaud, on met un temps fou à réussir à prendre un tramway pour rejoindre le stade. Et pour rentrer, c'est la même galère. Pour un match à 21 heures, il peut t'arriver de rentrer chez toi à minuit passé. On a aussi eu des soucis d'accès et de sortie aux parkings lors des premiers matches. Ils ont essayé de rectifier le tir mais bon, ça reste encore hyper compliqué."
 
Le Matmut Atlantique élu stade international de l’annéeEurosport
Ce qui fait rire – jaune – Romain, membre actif des Ultramarines (le principal groupe ultra bordelais), "c'est de se dire que les gens qui ont créé ce stade n'ont pas prévu ce genre de choses. On savait bien qu'il n'y avait que deux avenues accessibles pour se rendre au stade et donc qu'automatiquement ça allait créer des embouteillages de folie... Des efforts ont été consentis ces derniers temps et ça facilite un peu la sortie après les matches mais bon, tout n'est pas résolu, loin de là. On se rend même compte que pas mal de gens quittent le stade à cinq ou dix minutes de la fin du match parce qu'ils ont une peur bleue de rester bloqués dans les bouchons."
" Quand on était au top de la Ligue 1, on ne remplissait pas non plus Chaban"
On l'a compris, accéder au Matmut s'apparente donc pour beaucoup à un parcours du combattant. Pour beaucoup mais pas pour tous. Manon, de son côté, semble faire figure d'exception: "On n'est pas nombreux à le dire, mais moi je trouve qu'au niveau de l'accessibilité c'est super, je ne sais pas comment font les gens pour avoir autant de soucis. Moi je n'en ai jamais eu." Et si l'accessibilité au stade peut poser des problèmes aux fans des Girondins, ce n'est pas le seul élément qui explique de telles affluences.
Le problème pour un club comme Bordeaux, c'est aussi son public. Eh oui, si l'on regarde les affluences moyennes sur les dix dernières années, aussi bien au Matmut qu'à Chaban-Delmas, on se rend compte qu'on ne dépasse jamais la barre des 25 000 personnes. Le club possède un noyau dur de supporters fidèles et dévoués, "entre 15 et 18 000", estime Thibaud, à la louche, qui seront présents au stade peu importe les circonstances. Mais pour le reste, tout est fonction du contexte qui entoure l'équipe. Si celle-ci produit un jeu sympa et titille le haut du tableau, les gens auront plus tendance à se motiver à aller au stade. "Le Bordelais est un peu bourgeois dans sa manière de voir le truc, appuie Thibaud. Quand il vient au stade, il faut que ça gagne et que ça gagne bien. Sinon il ne revient pas, c'est aussi simple que ça. Et encore... Entre 2008 et 2010, quand on était au top de la Ligue 1, qu'on produisait l'un des plus beaux jeux d'Europe, on ne remplissait pas non plus Chaban à tous les matches..."
Le problème n'est cependant pas propre qu'à Bordeaux. La France n'a jamais eu une grande culture foot et, de fait, une grande culture du stade, et cela se ressent nettement dans les gradins. "S'il n'y a pas de monde au stade, c'est tout simplement parce qu'on s'emmerde à voir jouer les Girondins, juge l'élu écologiste. il n'y a pas de spectacle. Pourquoi allez-vous payer une place pour voir une équipe qui est ennuyeuse ?" Ce point de vue se défend mais on peut tout de même se féliciter que tous les fans de foot ne réagissent pas ainsi. Le public lensois, qui continue de peupler en masse les tribunes de Bollaert malgré la descente en Ligue 2, et un jeu pas toujours flamboyant, en est le parfait exemple.
 
Des enceintes trop ambitieuses pour le public français ?
Mais alors, si les dirigeants bordelais peinaient déjà à blinder Chaban-Delmas, à quoi bon bâtir une cathédrale du foot plus grande de 7000 places ? Contactés, ni le club ni le gestionnaire du stade, la société SBA, n'ont donné suite à nos demandes d'interviews. La réponse à cette question se trouve peut-être dans la manière dont les instigateurs de ce projet ont appréhendé la question du football et de son public dans l'hexagone. Romain développe : "Lors des réunions de préparation avant l'arrivée du nouveau stade, avec les élus locaux et les Girondins, le club disait toujours 'on prend l'exemple de l'Allemagne et de la Coupe du monde 2006. Ils ont créé de nouveaux stades, ça a permis d'attirer de nouveaux spectateurs et ils tournent à une moyenne de 40 000 personnes.' Ils ont essayé de surfer sur cette vague-là, sauf qu'en France, on ne l'a pas cette vague... On n'a pas la même culture foot ou la même culture supporter que les Allemands."
En construisant de grands stades modernes et bien équipés à la périphérie des villes, la France a fait le pari d'attirer et de fidéliser un nouveau public familial qui viendrait s'ajouter aux supporters historiques. A en voir le résultat aujourd'hui à Bordeaux, il est permis de douter de la justesse de ce calcul. Jérôme Latta, journaliste spécialisé dans la question des stades et de ses publics, expliquait à juste titre que ces nouvelles enceintes "couraient le risque de devenir des structures hors-sol, pensées pour un spectateur fictif dont on a postulé qu'il se déplacerait plus loin si on lui offrait plus de confort."
Le Matmut Atlantique n'a pas échappé à ce genre de réflexion. Avec ses fan zones situées au pied du stade, le club pensait parvenir à faire venir en masse ces supporters d'un type nouveau. A l'arrivée, là encore, il y a de quoi douter du résultat. "Ce qui manque à ce stade, déplore Romain, c'est l'odeur du match de football. Aujourd'hui, quand t'arrives au stade, tu n'as pas de buvettes, les vendeurs de merguez ont été repoussés plus loin. Il y a une espèce de fan zone mais on savait très bien que ça n'allait pas fonctionner. Le concept de la fan zone à l'origine, c'est de dire aux supporters 'venez avant le match, on vous offre une prestation complémentaire qui va vous donner envie de profiter encore plus du spectacle'. Aujourd'hui, on est loin de tout ça et on voit que ça fait l'effet inverse, on se retrouve avec des gens qui sortent leur table, leurs chaises et qui prennent l'apéro dans leur voiture !"
Point positif au milieu de cette grisaille ambiante : avec le retour de l'équipe de Jocelyn Gourvennec au premier plan ces dernières semaines en championnat, le club peut espérer attirer plus de monde au stade d'ici à la fin de la saison. En attendant de trouver une solution pérenne pour que le Matmut assure enfin.
 

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