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RAFALE de questions? revue de presse Rue 89 Bordeaux

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Si pour l’emploi on peut se réjouir de la vente de 24 Rafales à l’Egypte, qui renforce le bassin d’emploi, on peut aussi poser des questions et ne pas être totalement dans le concert de louanges. Au niveau économique, l’Egypte n’ a pas d’argent. Ce contrat est couvert à 50 % par l’Etat Français et donc par le contribuable. En cas de non-paiement, Dassault se retournera vers l’Etat français pour se faire payer. On peut supposer que de telles clauses sont dans le contrat. Un Rafale vaut entre 100 et 120 millions d’euros pièce, à raison d’une livraison, dès cette année d’un par mois, comment l’Egypte va payer les 1 milliard d€ ?. Seconde question, quels sont les missiles qui vont équiper les rafales ? Les missiles SCALP ou les BLACK SEAHEENE de moindre capacité ? Vendre des avions de guerre, c’est aussi donner des capacités militaires très importantes à un pays. Tout le monde se réjouit pour l’emploi, très bien mais on doit aussi poser la question de l’éthique. Peut-être qu’aujourd’hui la lutte contre l’Etat Islamique justifie pleinement cet équipement, qu’en sera-t-il demain dans une autre configuration politique majoritaire en Egypte ? Ainsi, ce matin en conseil de Métropole, je suis intervenu en tant qu’écologiste et élu de Gauche, n’oublions pas nos valeurs. Si « vis pacem, para bellum » qui veut la paix, prépare la guerre, il est aussi utile de rester les yeux ouverts sur la France troisième producteur mondial d’armes. Faire des « vivas » à l’emploi ne doit pas empêcher de porter un regard critique sur ces types de contrat. Gérard CHAUSSET

Aritcle de RUE 89 Bordeaux

 

Rafale : Dassault pas encore au 7ème ciel à Mérignac

Pour célébrer la vente des Rafales à l’Egypte, François Hollande a visité ce mercredi l’usine Dassault à Mérignac, où est assemblé l’avion, une première pour un président de la République. Ce premier contrat à l’export pérennise l’activité du site pour quelques années, mais les salariés espèrent que d’autres suivront.

C’est en Falcon, ces jets fabriqués à Mérignac, que François Hollande a atterri ce mercredi, directement dans l’enceinte de l’usine Dassault. Peu après, un Rafale survolait le comité d’accueil à basse altitude. Tout un symbole des liens étroits entre l’avionneur et l’Etat, pour cette première visite d’un président de la République sur ce site historique de l’avionneur.

Puis le chef des armées a découvert la chaîne de montage, où sont assemblées les pièces du Rafale, grimpant dans un cockpit de « ce formidable avion qui participe à la défense de notre pays », ou permet de repousser les terroristes au Mali.

Il s’est enfin exprimé devant une bonne partie des 1300 salariés de l’usine, saluant bien sûr la vente des 24 Rafale à l’Égypte – « un signal décisif pour remporter d’autres commandes ».

Déceptions

François Hollande, pas plus qu’Eric Trappier, le PDG de Dassault Aviation, n’ont toutefois souhaité s’étendre sur le sujet :

« Il faut continuer les discussions avec l’Inde, elles seront longues, on le sait, a souligné le chef de l’Etat à propos des négociations complexes avec New Delhi, qui souhaite d’importants transferts de technologie. Et il faut aller voir les autres pays qui se sont révélés intéressés par le Rafale à la suite du contrat égyptien. (…) Ce qui compte, c’est d’avoir un temps de négociation discret, parce que si on fait des annonces en disant qu’on va avoir un contrat et qu’il ne vient pas, ça créé une immense déception. Et il y a en a eu plusieurs. »

Aussi, le contrat égyptien a-t-il été accueilli avec un grand soulagement par les salariés de Mérignac :

« Ça faisait tellement longtemps qu’on attendait ça, et des années que les médias nous tapaient dessus en disant que le Rafale était trop cher ou trop complexe, rappelle Jean-Claude Cousiney, contrôleur qualité et responsable syndical (CGT). Maintenant c’est une merveille ! Un beau retour de balancier. Cela pérennise l’avenir de cet avion, dont la fabrication aurait pu s’arrêter dès 2017. »

Horizon dégagé quelques années

Technicien sur la chaîne d’assemblage de l’avion de chasse, Nicolas Veyssière confirme :

« C’est super positif, sachant que les livraisons pour l’armée française touchent à leur fin. On aurait dû fermer la chaîne d’ici deux ans, cela aurait été un désastre technique et humain. »

Les 24 avions à livrer au Caire s’ajoutent aux 43 restant à fournir à la France (sur 180 commandés), ce qui, à raison de 11 Rafale par an, assure un plan de charge de quelques années. Pas de quoi embaucher massivement, néanmoins : selon Eric Trappier, l’assemblage de l’avion, qui emploie une centaine de salariés à Mérignac, dont 30 à 40 sur la chaîne de montage, pourrait doubler dans les conditions actuelles.

Vol d'un rafale au dessus de l'usine Dassault à Mérignac (SB/Rue89 Bordeaux)

Vol d’un rafale au dessus de l’usine Dassault à Mérignac (SB/Rue89 Bordeaux)

Tissu aquitain

Au-delà de la possible commande indienne, qui assurerait la fabrication en France de 18 avions seulement, le personnel de Dassault espère beaucoup du Qatar, qui pourrait acheter jusqu’à 36 Rafale. Ceux-ci seraient tous assemblés à Mérignac, à partir de produits « locaux » pour certains : Dassault, qui emploie 2800 personnes dans la région, fabrique les ailes à Martignas-sur-Jalle, le tronçon arrière et l’empennage à Biarritz ; Thales conçoit le radar et l’avionique en partie au Haillan et à Pessac (les deux usines vont être prochainement regroupées sur un seul site, à Mérignac).

François Hollande a d’ailleurs salué l’Aquitaine, « lieu d’accueil historique de l’industrie aéronautique, disposant d’un tissu industriel très dense, avec de grandes entreprises comme Thales, Turboméca, Safran, Airbus, et d’un pôle de compétitivité puissant avec l’Aérocampus. On a besoin en France de grandes filières industrielles et l’aéronautique, qui pèse 23 milliards d’euros à l’export, en est une. »

D’ailleurs, l’élan est actuellement plutôt du côté des drones et de l’aviation civile : 75% du chiffre d’affaires de l’usine Dassault de Mérignac est assuré par ses Falcon, dont le dernier modèle, le 8X, vient d’effectuer son premier vol. L’avionneur, qui a embauché 70 à 80 personnes à Mérignac l’an dernier, va créer un site de maintenance des Falcon, qui emploiera 100 personnes supplémentaires.

Questions éthiques toujours en l’air

Cela pose moins de questions éthiques que l’industrie de l’armement : peu de choses ont encore été dites ce mercredi à Mérignac sur l’utilisation des Rafale par l’Egypte ou d’autres clients plus ou moins démocrates. Seul un salarié, Antony, manifestait spontanément son inquiétude que l’avion de chasse soit utilisé « à bon escient » et ne bombarde pas de populations civiles.

Un avis qui rejoint celui d’une des rares voix discordantes parmi les élus locaux, celle de Gérard Chausset, conseiller métropolitain écologiste de Mérignac, qui réagissait ainsi le 13 février dernier :

« Peut-être qu’aujourd’hui la lutte contre l’État Islamique justifie pleinement cet équipement, qu’en sera-t-il demain dans une autre configuration politique majoritaire en Égypte ? Et au niveau économique, ce contrat est couvert à 50% par l’État Français (via la Coface) et donc par le contribuable. En cas de non-paiement, Dassault se retournera vers l’État français pour se faire payer. On peut supposer que de telles clauses sont dans le contrat. Un Rafale vaut entre 100 et 120 millions d’euros pièce, comment l’Égypte va payer ces milliards d’euros ? »

Sans doute comme la France s’offre les siens : en s’endettant. Et puis chuuuut, il faut taire le prix de ces joujoux, des marchandages sont en cours…

Vente de Rafale à l'Egypte : les cocoricos déplacés

 

Par Pascal Riché

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Vendre des avions de guerre à une dictature au Moyen-Orient n'est pas responsable et ne contribuera pas à la stabilité régionale.

Un avion rafale sur le porte-avions Charles de Gaulle. (Sipa)

 

Les cocoricos fusent pour célébrer la prouesse de la société Dassault : enfin le Rafale a trouvé preneur. L’Egypte serait prête à en acheter un bon paquet : 24. "Une autre bonne nouvelle" nous dit Europe 1. On vante partout le "fleuron" (en fait, un énorme fiasco industriel)  qui, "de l'Afghanistan à l'Irak, a fait ses preuves" (dixit "Le Figaro", journal de l'industriel qui produit le "fleuron", Dassault).

Des diplomates, de leur côté, tweetent les bienfaits de cette vente pour la stabilité dans la région... oubliant qu'ils condamnaient il y a quelques mois encore les violations répétées des droits de l'homme en Egypte.

Eh bien non, cette vente n'est pas une "bonne nouvelle". 

Le Rafale n'est pas un TGV : c'est un avion de combat, capable de bombarder et de mener des batailles aériennes.

L'Egypte n'est pas une démocratie inspirée des préceptes de Montesquieu ou de Jefferson : c'est un régime autoritaire, dirigé par un militaire, issu d'un coup d'Etat. Le général Sissi n'a de tendre que la consonance de son nom : il n'hésite pas à faire tirer sur des manifestants s'il juge que la "stabilité" est en jeu.

Le Moyen-Orient n'est pas la Scandinavie : la France se grandirait à cesser d'alimenter en armes les régions les plus instables. Qui peut dire aujourd'hui ce que sera l'Egypte dans 1 an, 10 ans, 50 ans ? Ces armes n’ont pas de date de péremption...

Mais les responsables français (et la plupart des médias) évitent cette discussion là. En matière de vente d'arme à des pays dangereux, la France, il est vrai, suit une longue tradition, dans l'indifférence de son opinion.  Parmi les clients de la France, on a compté des pays qui traversent des conflits comme la Colombie, Israël ou le Tchad. La France a également vendu des munitions à la Syrie, on sait quel est leur usage aujourd'hui ; elle a vendu des missiles antichars Milan et des réseaux de télécommunication au régime libyen du colonel Kadhafi. Est-on fier de ce qui en a été fait ?

Des emplois, mais à quel prix ?

Ces marchés militaires nourrissent un système industrialo-militaire opaque, qui repose sur les commissions occultes gigantesques. Des élites corrompues, dans le monde entier, se sont engraissées grâce à ces ventes, dans des pays où la pauvreté est endémique. Comment peut-on se réjouir de participer à un tel système ? 

Mettre un terme à ces ventes d’armes coûterait cher en emplois, c’est certain. Le contrat égyptien en représente 7.000. Et si l'on prend l'ensemble de l'industrie de la défense (165.000 emplois directs et autant d’emplois indirects), c'est probablement plus de 100.000 personnes qui vivent de ces exportations. 

Mais le système des exportations d’armement n’a pas que des vertus économiques : que pèse ainsi le contrat égyptien face à l'immense gaspillage qu'a représenté le programme du Rafale, soutenu à bout de bras par l'Etat, et donc le contribuable ? Que la Cour des comptes se plonge enfin dans le dossier Dassault Industrie : elle n'y trouverait pas que des "bonnes nouvelles" pour l'économie !

Ajoutons à cela que ces contrats à l’exportation sont financés par la France, et que ces crédits sont garantis par la Coface. Les fameux Mistral promis aux Russes, s'ils restent bloqués comme c'est le cas aujourd'hui, seront à la charge du contribuable...

Ajoutons encore que ces contrats à l'exportation ont toujours des contreparties cachées, qui sont autant de coûts pour la France, que ce soit en termes politiques (pourquoi le gouvernement français a cessé de condamner les violations des droits de l'homme en Egypte ?) ou en termes industriels et de sécurité (qu’a-t-on promis à l’Inde, en terme de transferts de technologie, en échange des 126 Rafale ?).

L'argument de l'emploi ne devrait pas nous interdire de penser à une reconversion du secteur. Elle prendra du temps, mais il faut l'engager. Suggérons un premier pas : la France s’interdirait officiellement de vendre des armes à des pays impliqués dans des conflits armés ou dans des violations des droits humains.

Pascal Riché

 

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