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CUB et TRANSCUB par D DELAAGE de Sud Ouest

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GRAND BORDEAUX. —Patrick du Fau de Lamothe est le spécialiste du dossier eau aux côtés de Denis Teisseire. Il résume les griefs de l’association vis-à-vis du contrat liant la CUB et la Lyonnaise

Trans’CUB au créneau :Propos recueillis par Dominique de Laage

Patrick du Fau de Lamothe : « La rupture du contrat nous semble préférable »
PHOTO NICOLAS LE LIEVRE

« Sud Ouest » Trans’CUB a chiffré depuis huit ans à 150 M E le surcoût qu’empocherait la Lyonnaise des eaux dans le contrat trentenaire la liant à la Communauté urbaine (CUB). Pouvez-vous nous rappeler l’économie globale du contrat et la manière dont vous parvenez à cette somme ?
Patrick du Fau de Lamothe.
Le contrat de l’eau porte sur un investissement de 382 M E réalisé par la Lyonnaise en trente ans. Compte tenu du taux de rémunération de financement pratiqué par la Lyonnaise, environ 12 % ainsi que le confirme le récente audit de Finance Consult, ce sont 617 M E que l’usager est appelé à supporter pour ces investissements dans le prix de l’eau sur cette période.
Nous dénonçons depuis huit ans ce taux exorbitant de 12 %. Et ramenons à 7,5 % ce taux de rémunération, amplement suffisant à la Lyonnaise pour gagner sa vie quand le coût de l’argent est aujourd’hui de 4 %. En faisant la différence entre 12 % et 7,5 %, nous établissons à 150 M E « le gras » de la Lyonnaise aux dépends de l’usager bordelais. Soit le coût d’un pont et demi levant sur la Garonne.
Or, le premier audit sur lequel a été fondé l’avenant de 1997 sous la présidence d’Alain Juppé, n’a pas pointé cette énormité. Ce deuxième audit, conclu sous la présidence d’Alain Rousset, ne nous donne pas seulement raison. Il constate la totale défaillance de l’avenant négocié en 1997 par Alain Juppé et Michel Pujol (1).

Peu avant le coup de théâtre de Finance Consult, vous avez été débouté par la cour administrative d’appel. Et Denis Teisseire a été condamné à payer 1 300 euros à la CUB et à la Lyonnaise pour les frais. Vous tentez aujourd’hui de revenir vers la cour d’appel. Quels sont vos arguments ?
Avant tout, je tiens à préciser que Denis Teisseire a déjà reçu le commandement de payer de 1 300 euros de la part de la CUB... Nous signifions à la cour administrative d’appel deux choses. Tout d’abord nous lui indiquons qu’en refusant de tenir compte des conclusions de Finance Consult ainsi que nous l’y avions engagée, elle a jugé sur des erreurs matérielles. La cour s’est appuyée sur les mémoires de Trans’CUB, de la Lyonnaise et de la CUB. Or le président actuel reconnaît implicitement une défaillance de la part de ses services dans ce dossier. Par ailleurs, nous soulevons un certain nombre d’arguments que nous avons soulevés à propos de l’avenant 1997 et sur lesquels la cour ne nous a donné aucune réponse, ce qui n’est pas légal.

Sur quoi la cour a-t-elle refusé de répondre à vos moyens ?
La liste est longue et les dossiers complexes. Je n’en retiendrais que quelques-uns. Au moment de la conclusion du contrat, le 1er janvier 1992, le service de l’eau de la CUB accusait un excédent de 18 M E. Nous ne l’avons su évidemment que plus tard. En passant, je rappelle que la CUB avait justifié la délégation de l’eau à la Lyonnaise en 1991 par son incapacité à financer 30 M E sur la période 1992-2002. Or, avec 18 M E en poche, la CUB n’était pas si loin du compte... Mais passons sur ce « détail ». Le problème que nous avons exposé à la cour est autre. Nous avons reproché à la CUB de n’avoir reversé que 1,4 M E sur ces 18 M E d’excédents au budget du service de l’eau comme la légalité l’imposait. Or sur cette question, la cour n’a rien répondu.

En son temps, vous aviez essayé d’obtenir une explication sur la raison de ce besoin d’investissement initial de 30 M E...
La CUB ne nous a jamais donné de réponse satisfaisante pour 24 M E des 30 M E. Michel Pujol s’était contenté d’évoquer le besoin d’accroître la capacité mobilisable d’eau de 40 000 m3 par jour pour la protection incendie. Or les besoins des pompiers sont de l’ordre de 82 à 110 m3 par jour en moyenne ! La cour ne nous a pas répondu sur ce point.

Lors de l’avenant de 1997, la CUB avait obtenu de la Lyonnaise qu’elle reverse de l’argent et avait obtenu une baisse du prix de l’eau pour l’usager bordelais. Or vous dénoncez la manière dont cette opération s’est faite...
Sans obtenir une nouvelle fois de réponse de la cour. En 1997, la CUB et la Lyonnaise sont tombées d’accord pour reconnaître que le besoin d’investissement sur la période examinée (1992-1997) n’avait pas été tel que prévu. La CUB et la Lyonnaise ont donc déduit le taux de rémunération de financement perçu par la Lyonnaise sur ces investissements non réalisés de la facture de l’usager. Cela portait sur une somme de 5,4 M E. Le problème, c’est que pour calculer cette rétrocession à l’usager, la CUB et la Lyonnaise ont appliqué un taux de rémunération de 7,5 % et non pas de 12 %. Cherchez l’erreur. Non seulement Alain Juppé réalisait un bon coup politique mais la Lyonnaise gagnait encore de l’argent en en reversant...

Qu’attendez-vous d’Alain Rousset ?
C’est déjà bien qu’il ait reconnu ces erreurs. Bien que la rupture du contrat nous semble préférable, le président de la CUB envisage de renégocier. Il y aura fort à faire. Nous lui demandons de la transparence, de nous adresser l’audit complet de Finance Consult et de recevoir les associations. Nous lui demandons enfin de ne pas repartir en négociation avec les mêmes fonctionnaires qui se sont trompés depuis huit ans.
(1) Michel Pujol, le maire de Villenave d’Ornon, présidait la commission eau au moment de l’avenant de 1997

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Nicolas Florian .......

« Gesticulation politique ».
Secrétaire départemental de l’UMP, vice-président de la CUB et membre du comité de suivi du contrat de concession de l’eau, Nicolas Florian qualifie de « gesticulation politique » les déclarations d’Alain Rousset sur la concession de l’eau. « On voudrait nous faire croire que rien n’a été fait en dix ans de présidence d’Alain Juppé et que tout va s’arranger en sept mois de présidence d’Alain Rousset. Lequel siège depuis 1989 à la CUB et a signé en 1991 le traité de concession. La gauche fait mine de découvrir aujourd’hui que la Lyonnaise, qui est une entreprise privée, fait des profits avec l’eau, même si j’admets que les chiffres donnés par l’audit, ça fait beaucoup. Cela dit, si la renégociation quinquennale entre la CUB et la Lyonnaise a aujourd’hui deux ans de retard, c’est la responsabilité de l’actuel président de la commission eau, M. Turon, qui est au PS. Pour notre part, nous souhaitons également que la Lyonnaise crée une société dédiée qui ne se consacre qu’à la gestion de l’eau sur la Communauté urbaine, mais c’est un souhait qui avait déjà été formulé par Patrick Pujol quand il présidait la commission eau entre 1995 et 2001. Ce n’est donc pas une proposition nouvelle. »
« Quant à la baisse du prix de l’eau, conclut Nicolas Florian, je ne suis pas certain que ce soit le meilleur moyen de faire baisser la consommation qui est la priorité définie par le Schéma de gestion et d’aménagement de l’eau (Sage). »

Le choix de 1991 source de tous les maux : Benoît Lasserre

Pour le groupe des Verts, Gérard Chausset, vice-président de la CUB, estime qu’« on ne peut que se satisfaire des prises de position d’Alain Rousset et de l’exécutif communautaire ». « Cela dit, ajoute Gérard Chausset, on ne peut que s’étonner de l’étonnement » affiché par Alain Rousset à la lecture de l’audit. Car celui-ci « met en lumière des faits qui ont été dénoncés à plusieurs reprises par différents intervenants. Mais cet audit a le mérite d’apporter par sa qualité une expertise technique impartiale, une garantie et une indépendance à l’égard du pouvoir politique » souligne Gérard Chausset, pour qui « on ne voit pas pourquoi Bordeaux aurait échappé à la gestion opaque de l’eau, dénoncée au niveau national par la Cour des comptes ou par plusieurs rapports parlementaires ». Pour l’élu Vert, les recettes de la Lyonnaise « ont profité à l’actionnaire et pas à l’usager de l’eau ».
Un risque que dénonçait dès 1991, lors de la signature du contrat de concession, le groupe communiste, seul dans ce cas à la Communauté urbaine, en prévenant l’assemblée sur « les profits que va faire le concessionnaire sur le dos des consommateurs d’eau ».
« Depuis cette date, nous n’avons eu cesse de dénoncer la logique qui prévaut à la gestion de l’eau sur notre agglomération », rappelle Jean Chazeau, l’élu communiste qui siège à la commission eau et assainissement. « C’est le choix initial de décembre 1991 qui est la source des maux d’aujourd’hui. Il n’est pas trop tard pour revenir sur ce choix négatif et aller vers une gestion publique de l’eau. Mais il faut que les élus et la population exigent une baisse sensible de la facture de l’eau pour les usagers. »
Un souhait manifesté par Alain Rousset dans l’entretien qu’il a accordé à « Sud Ouest ». Ce qui, pour Jean Chazeau et Gérard Chausset, « constituerait un acte politique fort ». Quant au retour en régie de la gestion de l’eau, il semble plus complexe à accomplir les communistes eux-mêmes le reconnaissent , même si, précise Gérard Chausset, « il n’a rien d’utopique puisque d’autres villes l’ont déjà fait : Grenoble, Châtellerault ou Bourg-en-Bresse ».
« De toute façon, rappelle l’élu Vert, un événement important s’est produit depuis 1991, à savoir le Sage (Schéma de gestion et d’aménagement de l’eau), qui porte sur l’économie de la ressource. Le Sage est un document qui s’impose à ce contrat de concession et doit obliger notre délégataire à mettre en place une politique tarifaire qui récompense ceux qui économisent l’eau. »

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