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Courrier à Alain JUPPE Président de Bordeaux-Métropole concernant le "retour du métro"

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Mérignac le 5 juin    Monsieur Alain Juppé, Président de Bordeaux-Métropole Objet : projet de métro
J’ai lu avec attention l'article de Sud-Ouest du 31 mai 2018 et le projet présenté par un chercheur bordelais consacré à un projet de métro. A défaut de relancer un projet de métro sur notre agglomération, le projet présenté a pour principale conséquence de relancer le débat sur la nécessité d’un tel mode en mettant en avant les défauts du tramway et de notre réseau. Les promoteurs du métro, partent du principe que la situation actuelle de saturation est catastrophique et elle est due  aux insuffisances du  tramway « sous capacitaire, peu fiable et peu rapide ». « Il faut donc un nouveau projet pour résoudre la congestion : le métro ».
Je suis en désaccord sur la motivation et les données avancées, je viens vous faire part Monsieur le Président de  mon analyse.
Tout d’abord, il suffit de voyager en France ou dans le monde pour constater que tous les systèmes de transports collectifs des grandes agglomérations sont proches de la saturation aux heures de pointe ! Ce n’est pas une exclusivité bordelaise. Cela ne signifie pas qu’il faut s’en satisfaire et  ne rien faire, mais cela signifie aussi qu’on doit accepter aux heures de pointe des conditions et des temps de transports qui parfois sont moins confortables.
Notre tramway subit des pannes, notamment sur la ligne B. Si cette situation dure elle est pour autant conjoncturelle, comme vous le savez les solutions sont en cours de mise en œuvre. La situation actuelle n’est donc pas irrémédiable loin de là ! Le tramway bordelais à 15 ans, il est logique qu’il y ait des adaptations.
D'une façon générale la proposition du chercheur a comme parti pris de minimiser les coûts du métro et d’augmenter ceux du tramway.
Aujourd’hui on sait construire un  tramway entre 15 et 20 millions d'euros du km avec aménagement (et non 30 comme en première phase sur le Bordeaux historique avec des aménagements très qualitatifs) et un BHNS entre 7 et 10 millions d’euros.
En revanche, le chiffre avancé ici de 93 millions d'euros pour le  km de métro, 1.6 milliard, est minimisé. Ces coûts ne prennent pas en compte les aménagements et le chercheur prétend que son projet se fera sans frais d’expropriation. Sur Rennes on est aux alentours de 90 millions le km mais il comporte des portions de métro aérien, viaduc qui diminuent les coûts, idem pour Toulouse, 28 % du réseau est en aérien. Pour un métro automatique selon mes sources, on est plutôt proche de 110 à 120 millions d'euros le km, c’est-à-dire 6 fois plus cher qu’un tramway et  12 fois plus qu’un BHNS !
Sur la critique de la vitesse commerciale du tramway qui est proche de 19 km heure sur l’ensemble du réseau, ce n'est pas si mal et non 10 à 14  km comme avancé, bien sûr ceci est perfectible. Le tramway peut aller aussi à 70 km h c'est le cas sur la ligne C vers Blanquefort.
En revanche je ne nie pas l'intérêt du métro pour son moindre coût en exploitation liée à son automaticité, pour la capacité de transport de masse et sa souplesse d'exploitation. Ce mode n’est pas dépourvu de qualité. S’il est vrai que les techniques de construction ont considérablement évolué, il n’en demeure pas moins que la mise en œuvre est très lourde. Plus de 100 millions d’euros le kilomètre représentent un investissement gigantesque. La réalisation d’un tel projet se ferait à un horizon de 15 ans, avec aussi des recours..
Selon son auteur le projet présenté, « serait rentable et génèrerait un million de bénéfice », ce serait de fait une première mondiale, afin que cette étude soit évaluée à sa juste valeur je suggère Monsieur le Président qu’une analyse fine du projet soit réalisée par les services de Bordeaux-Métropole ou par l’A URBA.
Après l’adoption du plan d’urgence mobilité lors du conseil d’avril, il me semble pour autant que des questions restent posées notamment celle de l’amélioration du réseau de tram à moyen terme.  Malgré son formidable succès  le réseau TBM supporte un certain nombre de points faibles qu’il convient de prendre en compte. Sans être exhaustif je souhaite à travers ce courrier tout simplement avancer ou réitérer quelques idées.
Mieux desservir la Gare.
La desserte de la gare Saint-Jean est le talon d’Achille du réseau, je réitère la proposition faite en 2014 de réaliser une liaison tramway entre la gare et la place de la Victoire sur le cours de la Marne avec un débranchement au niveau du cours de l’Argonne. C’est techniquement réalisable et permettrait de soulager le réseau au cœur de Bordeaux en reliant la gare Saint-Jean au Campus sans passer par les quais et ligne A. Ce foisonnement n’est pas incompatible avec le futur BHNS qui pourrait emprunter la voie cours de la Marne.
Envisager un tramway express.
Le principal reproche fait au tramway est sa faible vitesse au regard d’un métro automatique.
Je suggère qu’on envisage une réflexion sur des missions de « tramway express » notamment aux heures de pointe. Le réseau de Lyon gère sur la même voie une ligne classique T4 et le Rhône Express qui relie l’aéroport à Lyon Part Dieu au quart d’heure en moins de 30 minutes. Rien ne nous en empêche d’envisager une telle évolution à moyens termes sur la ligne A et la ligne B. Ainsi des missions  Aéroport Gare-Jean pourraient depuis les « quatre chemins » relier directement Fontaine d’Arlac, Pellegrin, Mériadeck, Hôtel de Ville et Porte de Bourgogne.
On peut aussi travailler sur une liaison encore plus directe « Hôtel de police Palais de Justice » en construisant une voie sur le cours du Maréchal Juin (600 mètres)  qui éviterait le détour de Mériadeck toutes les 15 minutes. Cette solution est bien sûr plus polémique mais elle s’inscrit dans une nécessaire évolution d’un réseau qui ne doit pas rester figé.
L’innovation
L’innovation est aussi au cœur de la mobilité. Le tramway de demain n’en sera pas absent. Ainsi les constructeurs ont des programmes de recherche sur le tramway autonome qui apportera aussi de la souplesse dans l’exploitation et plus de vitesse. A l’heure de la réflexion sur Bordeaux 2050, je propose qu’on n’attende pas cette date pour solliciter une collaboration avec les constructeurs sur ce sujet et faire de Bordeaux  un réseau pilote sur le tramway autonome.
Améliorer la vitesse commerciale
Le revers du succès du réseau bordelais est le caractère intégré et banalisé qui en fait un réseau très peu protégé. Comme j’ai pu le constater sur d’autres réseaux, il est nécessaire de renforcer le caractère « site propre » de notre tramway afin de sécuriser la prise de vitesse à certains carrefours. Entre autres mesures, je propose qu’on introduise la protection de certains carrefours par des barrières de type passage à niveau qui fonctionnent très bien ailleurs, réduisent le nombre d’accidents et soulagent du stress les conducteurs. D’autres mesures sont envisageables sur certaines portions très fréquentées en isolant mieux le réseau des voies piétonnes.  Ces dispositions avec l’augmentation du parc de rames sont des solutions tout à fait envisageables et qui répondront au défi de la fréquentation.
A Bordeaux on ne peut pas refaire le match, notre "métro" à nous c'est de développer un RER d'agglomération avec le réseau et les gares existantes, la vitesse et le coût sont imbattables. Développer un métro sur  15 ans alors que les pratiques évolueront fortement d’ici là nous obligerait à mener de front 3 réseaux, le tram et bus, le ferroviaire avec le développement du RER d’agglo et le métro, insupportable financièrement. 
Pour des agglomérations de la taille de Bordeaux, un gros million d'habitants à terme, le métro n'est plus du tout à l'ordre du jour même si certaines villes on fait ce choix. Les flux sont de moins en moins massifiés, la demande est de plus en plus diffuse, on ne se rue plus tous les matins pour travailler au centre-ville. Les usages changent et sont beaucoup plus fragmentés. L'avenir c'est aussi la marche, le vélo, l'électromobilité, le covoiturage, le ferroviaire léger avec les avancées apportées par le digital.
Nous avons besoin d'agilité et non d'un grand projet coûteux et qui nous fera perdre du temps et de l’argent public. N'oublions pas que le prochain grand chantier sera les boulevards, son coût sera important.
Veuillez croire Monsieur le Président en l’assurance de mes meilleurs sentiments.
Gérard CHAUSSET
Adjoint au Maire de Mérignac, Président de la commission Transport de Bordeaux-Métropole

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