Tramway : « On se fait peur tous les jours »

Hier matin, Quinconces. Ambiance tendue chez certains traminots, à l'heure de la prise de service. « Le stress est là, surtout en ce moment. L'accident, on y pense sans arrêt, on est tous concernés », lâche l'un d'eux.

L'accident mortel, Franck l'a connu il y a quelques mois. Un piéton. Le conducteur n'a rien pu faire. « Ça va me poursuivre toute ma vie. J'entends encore le bruit », explique-t-il. Un suivi psychologique lui a été proposé par Keolis. Il a préféré aller voir un psy en ville. Et reprendre son service le plus vite possible. « Certains préfèrent jeter l'éponge et arrêter le métier après un accident grave, chacun réagit à sa manière », poursuit-il.

Victime de son succès

Un autre conducteur renchérit : « Il y a de plus en plus d'imprudences, de violations de priorité. Par endroits, la voie passe très près des trottoirs, mais maintenant les gens ne remarquent même plus le klaxon du tram. »

Christian Jau, délégué de la CFTC, le syndicat majoritaire des traminots va plus loin : « Il y a une hausse significative des incidents. Désormais, on se fait peur tous les jours. Certains conducteurs ont une montée d'adrénaline dès qu'ils entrent en cabine, ce n'est plus tenable. »

Selon le syndicaliste, « le tram est victime de son succès, il est urgent de repenser les infrastructures du réseau, en terme de signalisation, d'éclairage, mais aussi de prévention auprès des habitants ».

Sur des zones sensibles (passages importants, ronds-points), certains conducteurs déclarent avoir « réclamé la mise en place de barrières ». Demande classée sans suite, « peut-être jugée pas très esthétique », selon eux.

Pour Gérard Chausset, vice-président de la CUB, « il est clair qu'il faut une analyse en profondeur de la question. Le problème c'est que pour l'instant, on manque de retour sur expérience. Je ne suis pas opposé à des aménagements, l'esthétique doit rester secondaire. » Une réunion avec Keolis devrait se tenir la semaine prochaine. Aux Quinconces, avant de monter dans sa cabine, Franck prévient : « Un tram, c'est magnifique. Mais c'est aussi 55 tonnes de ferraille. Ça ne s'arrête pas comme ça... »