Un nouveau pont en 2012

Les élus de la Communauté urbaine de Bordeaux (27 communes avec un président PS, Vincent Feltesse) ont fait hier la démonstration de leur pragmatisme politique. Pris en tenaille entre l'imminence du chantier du pont levant et la menace de perdre, à cause de la taille de ce monument (un tablier qui s'élève à 55 mètres au-dessus de l'eau et des piles de 77 mètres de haut), le label Unesco obtenu en 2007, ils ont opté pour la main de fer et le gant de velours.

Soucieux de ménager la susceptibilité de l'Unesco qui, bien que partagé quant à l'impact de ce futur pont sur la qualité architecturale du port de la Lune, exige l'étude d'un ouvrage plus petit, les élus bordelais ont temporisé.

L'ordre de service à l'entreprise GTM aurait pu être lancé hier. Cette décision a été remise à septembre. Le temps pour Alain Juppé de réunir son conseil municipal le 20 juillet, pour un débat de fond sur ce dilemme : le label ou le pont. Discussion qui donnera lieu, le 4 septembre, à un nouveau débat solennel à la Communauté urbaine sur le même point. Autant de précautions destinées à signifier à l'Unesco qu'on ne badine pas avec ses recommandations sur les bords de la Garonne. Et que le temps de « l'arrogance française », souvent reprochée par l'Unesco, est révolu, au moins à Bordeaux.

Outre ce délai de réflexion supplémentaire, la Communauté urbaine de Bordeaux a décidé hier d'injecter 6 millions d'euros supplémentaires dans l'ouvrage (145 millions au total), afin de raboter ses piles de 6 mètres et d'y mener des aménagements piétonniers.

La maturité des Verts

Les élus verts de l'agglomération, qui s'étaient toujours prononcés contre ce chantier trop autoroutier (deux fois deux voies automobiles), trop monumental et fourre-tout à leur goût, ont également fait preuve hier d'une maturité notable. Prenant acte du souhait émis par l'Unesco de transférer la zone de mouillage des grands navires de croisière en aval du pont proposé, ils ont soumis une motion dans ce sens à l'ensemble des élus communautaires qui l'ont adoptée dans leur grande majorité, Alain Juppé estimant qu'elle pouvait « donner un signe d'ouverture » de plus à l'Unesco.

Une motion qui, en réalité, ne changera pas grand-chose, les « grands navires de croisière » visés par l'Unesco étant visiblement d'une taille incompatible avec le tirant d'eau de la Garonne, et les Bordelais étant bien décidés à laisser la vingtaine de navires de croisière de taille moyenne, accostant chaque année à la Bourse maritime, continuer à le faire en passant sous le futur pont levant. Cette motion en poche, les élus écologistes se sont, pour la première fois, abstenus sur le chantier du pont, ralliant ainsi la grande majorité des élus communautaires et notamment ceux de la rive droite qui refusent clairement de remettre à 2020 l'échéance d'un nouveau franchissement en cas d'abandon du projet actuel.

Un pari

Organisé sous la pression de l'Unesco relayé localement par un front associatif favorable à un tunnel, le débat d'hier a permis aux élus de l'agglomération bordelaise d'affirmer leur souhait de conserver le port fluvio-maritime de Bordeaux mais aussi le label Unesco.

Il faudra attendre la prochaine session de juin prochain au Brésil pour savoir comment sanctionnera l'Unesco le pari pris hier par les élus de l'agglomération. Car, au-delà des précautions en cours, leur décision est prise. Le pont levant sera lancé à l'automne et livré en septembre 2012.