La rudesse de l'hiver souligne la fragilité du réseau

Le 27 octobre dernier, Alstom, le constructeur du tramway sans fil de Bordeaux, a reçu le prix du produit le plus innovant pour son système d'alimentation par le sol (APS), lors de la deuxième conférence de l'Union internationale des transports publics, à Doha, au Qatar.

Mais cette semaine, il a suffi de quelques centimètres de neige pour stopper totalement ce tramway tout juste couvert de lauriers. Aussitôt, les interrogations sur la fiabilité de l'alimentation électrique du tramway par le sol ont ressurgi. À tort, en fait, car l'APS n'est pas directement en cause dans l'arrêt brutal du tram sur tout le réseau, lors de l'averse de neige de mercredi dernier.

Les aiguillages gelés

Selon Keolis, l'exploitant du réseau, ce sont les aiguillages qui ont flanché. La neige s'est immiscée entre les rails au niveau des aiguillages, empêchant ceux-ci de jouer leur rôle de conducteur du courant. C'est un peu technique, mais indispensable pour comprendre : le courant électrique qui arrive au tramway via la ligne aérienne, repart sous forme de courant résiduel par les roues et les rails. C'est ainsi qu'il voyage en circuit fermé, sauf lorsque les rails n'assurent plus la boucle. C'est ce qui s'est passé mardi, à cause de la neige tombée sur les aiguillages.

Deuxième élément, compte tenu du nombre de voitures en difficulté autour des lignes de tram, voire parfois dessus, Keolis a jugé préférable d'interrompre toute circulation, « pour des raisons de sécurité », explique la direction.

De nombreuses personnes se sont beaucoup interrogées, car les tramways circulent sans problème à Strasbourg comme à Berlin ou Saint-Pétersbourg, villes où les épisodes neigeux comme celui que Bordeaux a connu mardi sont considérés comme des aimables rafraîchissements. Toute la différence est là : le tram de Bordeaux n'a pas été conçu pour les climats polaires. « À Strasbourg, il faut savoir que les rails du tramway sont chauffés », indique ainsi Keolis.

Ces précisions faites, le tram de Bordeaux reste tout de même très fragile face aux caprices de la météo. Par exemple : les consignes de sécurité imposent un arrêt de la ligne si les voies APS sont recouvertes par plus de 2 cm d'eau. À Bordeaux, c'est fâcheux... « Ce tramway n'a pas été conçu pour des conditions extrêmes. Aurait-il fallu investir dans des systèmes capables de supporter le gel, qui reste rare à Bordeaux ? », demande Gérard Chausset, vice-président de la CUB, qui vole au secours du tram.

La CUB en redemande

À ce jour, Alstom n'a vendu son APS que dans des villes tempérées (Orléans, Angers et dans une moindre mesure Reims) ou chaudes (Dubaï, Brasilia). Concernant Bordeaux, Keolis certifie que l'APS n'est plus responsable que d'une part infime des pannes du tramway. Alstom affiche un taux de disponibilité du tram sans fil de 99 % (c'est-à-dire proche du sans panne). La Communauté urbaine, quant à elle, en redemande. Elle fera poser de l'APS sur une partie de la future ligne D rue Fondaudège et peut-être avenue de la Libération (Le Bouscat) et à Mérignac centre. Et ce même si, en exploitation, l'APS coûte 48 fois plus cher que l'alimentation par ligne aérienne.