CONSOMMATION. --Très variable d'une commune à l'autre, le
prix de l'eau potable risque encore d'augmenter.
Explications
L'eau de plus en plus
chère
|
|
Eau potable. Plus les ressources en eau
diminuent ou sont polluées, plus les coûts de
traitement, de transport, de contrôle, de distribution
et d'épuration augmentent PHOTO SO
| Après une période de relative stabilité,
le prix de l'eau du robinet est reparti à la hausse. Dans le
bassin Adour-Garonne (1), il est passé en un an de 2,68 à 2,83
E le mètre cube, soit une augmentation de 5,3 %. Cette
tendance devrait se poursuivre au cours des années à
venir.
1. Pourquoi le prix
augmente-t-il ? Gilbert Saulières, responsable de l'Observatoire du
prix de l'eau pour le bassin Adour-Garonne, fournit plusieurs
explications : « La ressource n'est pas extensible. Elle a
même tendance à diminuer à la fois en quantité et en qualité.
Si les sécheresses estivales se poursuivent, il y a de vrais
soucis à avoir. A la pénurie vient s'ajouter la nécessité de
sécuriser la ressource à cause de la pollution. Pour se
prémunir et pour pouvoir fournir de l'eau potable en
permanence, les collectivités doivent multiplier les points de
puisage et améliorer leurs équipements. » Dans son
dernier communiqué concernant les tarifs, l'Agence de l'eau
Adour-Garonne fait la remarque suivante : « Plus les normes de
potabilité sont élevées, plus les traitements doivent être
poussés. Plus les ressources en eau diminuent ou sont
polluées, plus les coûts de traitement, de transport, de
contrôle, de distribution et d'épuration augmentent. »
Or,
nous sommes exactement dans ce cas de figure. Les normes
imposées par l'Europe sont de plus en plus exigeantes. Deux
directives vont intensifier le problème. La première impose
que fin 2005, toutes les communes de plus de 2 000 habitants
soient équipées d'un système d'assainissement des eaux usées
respectant les dernières normes en vigueur. La deuxième exige
un « bon état écologique des eaux » à l'échéance 2015. Des
investissements supplémentaires seront donc nécessaires, ce
qui impliquera une augmentation du prix moyen. Ceci étant, le
prix de l'eau en France reste raisonnable. Selon une enquête
de NUS Consulting, le prix moyen du mètre cube s'établit à
2,56 E, alors qu'il est de 2,71 E pour l'ensemble de l'Union
européenne. L'eau est plus chère au Royaume-Uni (2,89 E) et en
Allemagne (4,45 E) avec un record pour le Danemark (4,53 E).
C'est en Italie qu'elle est la moins chère (0,68 E). Mais NUS
Consulting précise : « L'Union européenne et ses mesures
volontaristes seront certainement les principaux facteurs
d'évolution des prix dans les années à venir. » En clair, les
pays qui ne sont pas aux normes et la France en fait partie
verront leur facture augmenter.
2. De
grandes disparités Que la distribution soit assurée par un opérateur
public ou privé, le prix de l'eau est fixé par les communes ou
les groupements de communes. Les tarifs pratiqués varient
considérablement d'un endroit à l'autre. Dans notre région, en
prenant en compte uniquement les communes qui possèdent à la
fois un réseau de distribution et d'assainissement, on
constate des écarts énormes qui vont de 0,28 E/m3 pour
Sainte-Christie (Gers) à 5,32 E pour Lestiac-sur-Garonne et Le
Tourne (Gironde). Pour comprendre ces disparités, il faut
tenir compte des deux principaux postes de la facture : la
distribution et l'assainissement. L'analyse effectuée par
l'Observatoire du prix de l'eau montre que la distribution est
moins coûteuse en tête de bassin (zone de montagne) et sur le
littoral (captage en eau souterraine). Elle est également
moins chère dans les zones d'habitat concentré en raison,
notamment, des moindres frais d'installation. On estime que la
longueur des canalisations est de 2 à 5 mètres par habitant
dans les zones d'habitat groupé, alors qu'elle est de 20 à 100
mètres dans les zones d'habitat dispersé. Concernant
l'assainissement, c'est sur le littoral que son prix est le
plus élevé, la surpopulation estivale imposant des équipements
surdimensionnés. Obligées de posséder des installations aussi
performantes que dans les grandes agglomérations, les communes
de taille moyenne payent également un lourd tribut à
l'épuration qui, sur la facture, pèse souvent plus lourd que
la distribution.
3.
Public-privé : qui est le plus cher ? Dans le bassin Adour-Garonne,
la gestion de l'eau potable est assurée par une régie
municipale dans 1 100 communes, par une régie intercommunale
dans 2 000 communes et par une société privée dans 3 700
communes. Cette proportion est à peu près identique à celle
qu'on retrouve sur l'ensemble du territoire, où on estime que
55 % des communes représentant 73 % de la population ont
délégué la gestion de l'eau à une entreprise privée. Est-ce
une bonne chose ? Selon un récent rapport de l'Ifen (Institut
français de l'environnement), le prix moyen du mètre cube est
supérieur de 0,64 E dans le privé où interviennent
essentiellement trois grands groupes : Veolia (ex-Vivendi),
Lyonnaise des eaux et Saur (filiale de Bouygues). Plus personne
ne nie cette réalité, mais chacun en fait une interprétation
différente. A l'Observatoire, Gilbert Saulières adopte une
position mesurée : « Toute comparaison est délicate, car
public et privé n'agissent pas forcément sur zones similaires.
C'est souvent lorsqu'elle a un problème qu'une communauté fait
appel à un opérateur privé, lequel doit souvent effectuer des
investissements lourds de mise aux normes qui sont répercutés
sur la facture. Pour avoir une idée précise, il faudrait faire
un comparatif des prix par rapport aux services rendus, ce
qui, compte tenu de la diversité des situations, est difficile
à réaliser. » Et comme il est difficile de comparer,
l'opacité persiste.
(1) Le bassin Adour-Garonne englobe
l'ensemble de l'Aquitaine et une grande partie de la région
Midi-Pyrénées et des deux Charentes. Il empiète également sur
l'Auvergne.
|
:: En savoir plus |
|
La France hors normes
Malgré ses efforts, la France ne sera pas à
l'heure des directives européennes concernant l'eau.
A la fin de cette année, toutes les communes ne
seront pas équipées d'un réseau d'assainissement aux
normes européennes et le « bon état écologique des eaux
» ne sera que partiellement atteint en 2015. Fondateur
de l'Association française pour la promotion des normes
européennes (1), le Bordelais Francis Beausoleil est
monté au créneau. N'étant pas entendu par les
ministères, il a saisi le Conseil d'Etat pour dénoncer «
les carences des services publics dans l'application des
normes européennes ».
30 000 opérations. L'eau est de ses chevaux de
bataille et il déclare : « On estime qu'en France, il y
a encore 30 000 opérations d'assainissement à accomplir
et il ne se passe rien. Pire, là où on bouge, les appels
d'offres ne font souvent aucune référence aux normes
européennes. On s'apprête donc à construire des
installations qui ne respectent pas une réglementation
acceptée par l'ensemble de l'Union. C'est d'autant plus
incompréhensible que dans les zones rurales on envisage
souvent des travaux forts coûteux qu'il serait possible
de réaliser à moindres frais tout en respectant ces
normes. » S'il n'est pas entendu, Francis
Beausoleil envisage de saisir la Cour de justice des
communautés européennes. (1) www.afpne.org.
| | |