Nos logements sont de
véritables passoires à carbone
Sommes-nous en demeure de répondre aux exigences du
Grenelle ? Non. Nos maisons et bureaux, fabriqués en béton et
parpaings cimentés, ignorent l'écologie. La France compte 31
millions de logements, dont 14 millions de maisons
individuelles : mais hélas, trois fois hélas, 70 % de ce bâti
est sorti de terre avant le premier choc pétrolier (1973),
quand le fioul se monnayait trois francs six sous. Mal
isolées, ces constructions rejettent 21 % du « CO2 français »
et absorbent 43 % de la consommation d'énergie. L'urgence
environnementale loge donc bien sous nos toits. Soyons plus
précis : les pavillons des années 60 dévorent 300 kilowatts/
heure, par mètre carré et par an, quand la « maison passive »
inventée par les Suisses et les Allemands a radicalement
déplacé le curseur à 15 kw/h/m2/an. Et même si les architectes
français ont ramené depuis peu cet indice à 100, on est loin
des préconisations du Grenelle visant les 50...
Améliorer l'existant. Ce saut tient-il du rêve ? Il
ne peut reposer sur la seule construction neuve. Avec une
moyenne de 300 000 nouveaux logements par an, soit 1 % du parc
national, le progrès serait indécelable. L'effort devra donc
concerner en priorité l'amélioration de l'existant. L'exemple
vient d'outre-Rhin ou des pays nordiques : les pouvoirs
publics y ont depuis une décennie poussé et formé les
professionnels du bâtiment à d'autres restaurations. Ainsi,
les maisons suisses et allemandes expulsent quatre fois moins
de carbone que les nôtres. Depuis 2002, en Suède, les
toilettes sèches sont obligatoires dès lors qu'on rénove.
Quand on sait que la chasse des WC engloutit 30 % de l'eau
consommée par une famille de quatre personnes, on comprend
qu'il y a matière à infléchir nos comportements. Mais il serait
naïf de parier sur un miracle citoyen : le marché français a
frémi seulement quand le gouvernement a envoyé des signes.
Ainsi, depuis que l'Etat rembourse aux particuliers 50 % de
ces équipements innovants, les plombiers confirment que le
chauffage solaire, le poêle à bois, la pompe à chaleur ou les
robinets économiseurs représentent la moitié de leur chiffre
d'affaires. En 2006, un million de foyers aurait bénéficié de
ces crédits d'impôts. C'est encourageant, pas suffisant.
Dans
un pays où le pouvoir d'achat stagne ou régresse, la cherté du
bâtir écolo (10 % de plus) reste un blocage. Même si on
récupère ce surinvestissement en cinq ans sur les factures
d'eau et d'électricité, il faut avancer la trésorerie ou
emprunter davantage... C'est impossible pour 4 millions de
ménages très modestes. Cela n'intéresse pas les 6 millions de
propriétaires qui louent leurs biens, au motif qu'ils ne
bénéficient pas directement des économies engrangées. Reste 10
millions de Français prêts à s'engager si l'Etat élargit la
palette de ces aides, diagnostique l'Agence nationale pour
l'amélioration de l'habitat. Le défi collectif qui commence à
nos portes se loge aussi là.
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