REPORTAGE. --A Saint-Caprais (33), Gérard Lévy,
ingénieur de physique nucléaire à la retraite, construit seul
et en bois 168 m2 : ce futur logement ne polluera pas et
consommera peu d'énergie et d'eau
La
maison écolo, pari d'homme
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Gérard Lévy dans sa maison en bois.
Il
n'a transigé ni sur la proximité de ses fournisseurs ni
sur la qualité biologique des matériaux avant d'attaquer
le terrassement en avril 2004 PHOTO LAURENT THEILLET
| La maison écolo du sol au plafond reste
une expérience solitaire. Combien sont-elles, orientées tels
des tournesols, fenêtres plein sud ? Une centaine éparpillées
dans la campagne de France. Pour l'heure, ces chalets de bois,
de paille, de chanvre, aux lignes pavillonnaires, sont en
majorité les oeuvres d'autoconstructeurs. Patrick Baronnet
(1), bâtisseur de la première « maison autonome », compte
parmi les pionniers, devenu conférencier pour partager son
vécu. Après dix ans d'expérimentation, Philippe Redois a lui
aussi ouvert un cabinet de consultant en assainissement vert
(2), une fois achevée la rénovation écologique d'une bâtisse
charentaise à Deviat dans les années 90. Sous ces toits qui
respirent, consomment des énergies nouvelles, recyclent l'eau
de pluie comme l'eau familiale, le savoir-faire des uns
nourrit les essais des autres. Ils se connaissent tous, par le
Net, l'édition ou les réseaux environnementaux.
Acheter bio et local. Gérard Lévy, autoconstructeur
à Saint-Caprais-de-Bordeaux en Gironde, a longtemps fréquenté
le site Heol de Patrick Baronnet (1) avant de se lancer. Il
n'a transigé ni sur la proximité de ses fournisseurs ni sur la
qualité biologique des matériaux avant d'attaquer le
terrassement en avril 2004 : piliers de béton de chaux fournis
par la centrale de Branne, cèdre atlantique acheté à la
scierie de Saint-Caprais, bottes de paille acquises chez un
agriculteur biologique à Blasimon, toilettes sèches à compost,
puits canadien qui permet, grâce à un tuyau plongeant à deux
mètres sous terre, de ramener cinq ou six degrés de chaleur ou
de fraîcheur dans la maison, citerne pour récupérer les eaux
de pluie, filtration pour purifier et réutiliser les eaux
grises de la vaisselle et de la douche, panneaux
photovoltaïques pour bénéficier de l'énergie solaire...
Ce
projet global a été primé à l'Agenda 21 de l'Agence de
l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe)
Aquitaine. « Le coût total : 70 000 euros de matériaux et bon
outillage. Le toit de tuiles est posé, comme l'isolation de
paille, dans les caissons de bois ou les huisseries. Six
heures de chantier par jour », avoue cet ingénieur en physique
nucléaire retraité du CNRS. « Il ne s'agit que de travail. »
Certes, mais parce qu'il maîtrise la physique des forces, il a
cloué seul à 3 mètres de hauteur des fermes de charpente
pesant 120 kilos avec le seul secours d'une échelle et d'un
monte-tuile...
L'absurdité
de la réglementation. Les sympathisants d'Al Gore veulent
croire que M. Tout-le-monde peut s'offrir facilement une
maison écolo. La réalité est autre. En l'absence de filière du
« bâtiment bio » aussi bien structurée que celle de
l'alimentaire et d'artisans formés, le militantisme des
défricheurs tient encore lieu de lanterne collective. «
Pourtant, on a été vingt fois moins questionnés pendant le
Grenelle de l'environnement que les représentants lambda de
l'administration », souligne Philippe Redois. Il faut dire
que ces maisons écologiques sont neuf fois sur dix
l'aboutissement d'une révolution intime dans le rapport à la
nature : Patrick Baronnet était un cadre stressé fuyant Paris
pour tout recommencer à la campagne. Philippe Redois,
ex-libraire nantais, a vu son épouse décéder d'un cancer : « A
un moment donné, elle a refusé la chimio. Les médecins lui
donnaient trois mois. Elle a tenu deux ans en changeant
radicalement d'alimentation et de médecine. » Gérard Lévy a
ressenti, il y a vingt ans, « la nécessité de retrouver une
harmonie de vie. Cela passait par la nature et la nourriture :
petit à petit, j'ai mangé différemment jusqu'à devenir
végétalien. A 68 ans, je tiens mon énergie de cette évolution
personnelle. » Ces basculements de vie ne sauraient
faire oublier la division par deux des factures d'eau ou
d'électricité, preuve égoïstement convaincante à l'appui d'un
comportement vertueux pour l'avenir de notre planète. En
revanche, l'engagement des écolo-constructeurs tient parfois
du parcours du combattant. « Les communes de moins de 2 000
habitants créent en toute légalité des stations d'épuration
par roseaux filtrés : la première a vu le jour en Charente, à
Gensac-la-Pallue, en 1981. Mais si un particulier veut s'en
équiper, il contrevient à l'article qui régit l'assainissement
non collectif, explique Philippe Redois. Chasseigne, un député
du Puy-de-Dôme, me suit et a proposé pour le Grenelle une
adaptation de la réglementation. Mais vous comprenez qu'on
touche aussi là les intérêts des multinationales de l'eau qui
gèrent si chèrement nos eaux usées. » (1) Patrick
Baronnet vit à Moisdon-la-Rivière (Loire-Atantique). Son site
Heol est lié à l'écocentre du Périgord situé à
Saint-Pierre-de-Frugie en Dordogne (05 53 52 59 50). Ce centre
forme des particuliers à la construction écologique. (2)
Philippe Redois Conseil, installé 20, rue Jean-Bart à Bourges
(06 60 22 77 37).
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