AGGLOMERATION BORDELAISE Des pesticides
dans l'eau La qualité de l'eau potable se dégrade sur certains
forages qui alimentent l'agglomération de Bordeaux. Des pesticides
ont été repérés pour la première fois. Les Verts vont saisir la CUB
Par : DENIS LHERM
L'agriculture, et notamment la maïsiculture, est grande
utilisatrice de pesticides. Mais il n'y a pas qu'elle
(Photo PQR)
Le dernier rapport de la Communauté urbaine de Bordeaux (CUB)
sur la qualité de l'eau potable révèle la présence de pesticides
dont les traces sont visibles dans certains captages d'eau. C'est la
première fois que de telles traces, qui semblent indiquer une
dégradation de la qualité de l'eau, sont repérées à Bordeaux.
Le rapport
précise que la présence de pesticides a été observée de façon
régulière en 2000 sur trois stations de pompage : Haut-Brion (à
Pessac), Cazaux (à Gradignan) et Paulin. Cette dernière, située dans
le centre de Bordeaux, n'est pas à proprement parler une station de
pompage, mais un collecteur alimenté par les sources de Thil
(Saint-Médard-en-Jalles), Cantinole (Eysines) et Bussac (Le
Taillan). Soit, en gros, le bassin versant de la Jalle.
«
TRACES MINEURES » Les pesticides découverts dans l'eau ont pour nom
Atrazine et Simazine, des produits utilisés pour le désherbage des
champs de maïs, des vignes, des voies ferrées, mais aussi des parcs
et jardins. Les traces sont faibles, tout comme la teneur en
nitrate. Cette dernière est de 21 mg/litre, alors que le maximum
autorisé est de 50 mg/litre. A la Lyonnaise des eaux, on parle de « traces
mineures ». Le concessionnaire indique que certains captages, comme
Cazaux (Gradignan), sont traités aux charbons actifs et « servent
peu ». La DDASS rappelle d'ailleurs que les eaux de la CUB restent
conformes aux normes. Si la CUB reconnaît avoir augmenté sa cadence
d'analyses, elle signale qu'il n'y a « aucun caractère de
dangerosité » et qu'on reste « largement en dessous des valeurs
admissibles ». Il n'y aurait donc aucune raison de dévaliser les
marchands d'eau en bouteille. Mais, selon les Verts, la situation
justifie que le dossier soit porté sur le terrain politique.
« DIX ANS DE RETARD » Ce sera fait dès ce matin,
puisqu'ils prévoient d'aborder le sujet en conseil de CUB. Selon
eux, l'agglomération de Bordeaux atteint un niveau d'alerte. Elle
aurait dix ans de retard dans la mise en place des périmètres de
protection autour des captages, prévus par la loi sur l'eau de 1992.
Les 100 forages et captages de l'agglomération auraient dû être
protégés depuis janvier 1997. Or, aujourd'hui, la moitié ne sont pas
en accord avec la loi. Par ailleurs, les Verts estiment que les
informations manquent. Si l'origine théorique des pesticides est
connue (agriculture, viticulture, collectivités locales, SNCF,
particuliers), leur provenance n'est pas précisément établie en ce
qui concerne les trois stations concernées à Bordeaux. « Certains captages posent des
problèmes. On ne sait pas exactement d'où tout cela provient. La CUB
doit impérativement se montrer plus curieuse. La Gironde est assise
sur un trésor, avec des eaux abondantes et de bonne qualité. Mais il
faut le protéger, car les signes de dégradation se multiplient »,
affirme Gérard
Chausset, conseiller communautaire vert et adjoint à l'environnement
à Mérignac. Outre la dégradation de la qualité de l'eau, Gérard Chausset
insiste aussi sur la surexploitation des nappes. « A Bordeaux, on lave sa voiture
à l'eau potable », dit-il encore. Il faudrait donc aussi se préoccuper de
l'effet des pesticides sur les carrosseries.
Haut-Brion : « C'est pas nous ! »
L'un des trois forages d'eau potable où les traces de
pesticides sont apparues en 2000 est celui de Haut-Brion, à
Pessac. Une présence embarrassante pour le château du même
nom, situé juste à côté, qui produit l'un des plus grands vins
de Bordeaux. A Haut-Brion, on ne consteste pas que la
viticulture est l'un des gros utilisateurs de pesticides. Mais
on coupe court à tout amalgamme. « Les traces de pesticides dans l'eau, ça
ne vient pas de chez nous », dit fermement le chef de culture. Selon ce
dernier, le château Haut-Brion n'utilise pas de pesticides
pour traiter les vignes : « On ne désherbe pas la vigne, on la
travaille. On utilise des pesticides seulement contre le
mildiou et l'oïdium, mais il ne s'agit ni d'Atrazine ni de
Simazine. Pour désherber, on utilise des herbicides de
contact, sans activité racinaire. C'est du Round-Up,
c'est-à-dire pas ceux que l'on retrouve dans la nappe
phréatique. On n'emploie pas non plus d'engrais azotés, car
ils donnent trop de vigueur à la vigne et nuisent au
vieillissement du raisin. » Haut-Brion est conscient du risque que la
présence de pesticides dans l'eau puisée près du château fait
courir à son image. Selon nos informations, le château aurait
même demandé que la CUB change le nom du forage Haut-Brion.
Une information qu'on ne confirme pas sur place. Selon le chef
de culture, l'origine des pesticides est plutôt à rechercher
du côté des maïsiculteurs, de la SNCF qui en aurait utilisé
massivement pour désherber les voies, et des collectivités
locales, qui ont fait de même pour les trottoirs.